Les robots-journalistes sont nés de l'idée du journalisme fondé sur des données, qui a pris de l'ampleur depuis un certain nombre d'années. Axé sur la puissance des bases de données pour recueillir et trier de grandes quantités de données, son ambition est de diffuser notre vaste réserve cachée de données numériques à destination du public en tant que nouvelles ? de dernière minute ? ou ? pertinentes ?.
Lors de la Conférence sur le journalisme du futur 2008, parrainée par The Guardian, Adrian Holovaty, journaliste et programmeur informatique, a expliqué cette vision en disant qu'il y a une crise du journalisme traditionnel, parce que les journaux perdent de l'argent, que les nouvelles sont truffées de parti-pris, et que les journalistes gaspillent de manière inefficace une grosse quantité des données brutes puissantes qui se trouvent à la racine de leurs articles.
Adrian Holovaty veut que les nouvelles soient davantage orientées vers les ordinateurs, et décrit l'écriture d'une histoire comme un processus de manipulation de faits simples comme l'emplacement, la valeur des marchandises, la/les victime/s et la date d'une histoire de cambriolage, pour en faire un grand ? paté d'informations ? prêt à consommer par les lecteurs et les téléspectateurs.
Le problème est que Google ou tout autre robot de recherche doit chercher dans ces patés d'histoires pour en extirper à nouveau ces données brutes. Les entreprises de presse devraient donc développer des infrastructures permettant de relier les réseaux de données avec les organismes (comme des organismes de protection de l'environnement dans le cas d'une histoire de tremblement de terre) pour recueillir des informations, les vérifier et les diffuser parce que, comme le dit Adrian Holovaty, le journalisme consiste principalement à recueillir de l'information, la distiller et la présenter aux ? consommateurs ?. Et des infrastructures de données et des bases de données devraient être l'outil de choix pour ce genre de travail.
Donc, le point de vue de Kristian Hammond, à savoir qu'en 2030, environ 90 % des nouvelles pourraient être écrites par les ordinateurs, est-il le résultat de l'enthousiasme d'un innovateur, une possibilité réelle ou la production d'un robot-journaliste devenu fou?
Les robots journalistes sont dépendants des données, ce qui est à la fois leur force et leur faiblesse. Ils sont très forts pour la pêche au chalut de données et la collecte d'informations pertinentes, et ils peuvent le faire à tout moment et beaucoup plus rapidement que n'importe quel être humain. Cela les rend bons pour certains types d'histoires qui peuvent être saisis par des modèles standard. Mais les nouvelles numériques étant très poreuses, les articles de presse standards circulent rapidement et ajoutent peu de valeur journalistique à une marque de nouvelles. Au fur et à mesure que les économies d'échelle augmentent, les valeurs journalistiques diminuent.
Cela contraste avec ce qu'on peut appeler une approche fondée sur l'histoire. Une histoire se dénoue au fil du temps entre les cycles de l'interprétation et de la recherche, et les journalistes relient les situations et les interprétations par des relations complexes et nuancées comme l'empathie, la morale, les valeurs, les idées et l'humour, pour n'en nommer que quelques-unes. Le résultat est le style.
Un journaliste ou un groupe de journalistes a un style, et une publication également. Dans l'économie numérique, où les nouvelles circulent aujourd'hui, le style est un avantage concurrentiel qui différencie les fournisseurs d'information dans le vaste paysage des nouvelles en ligne. En outre, il est évident que les consommateurs/lecteurs d'aujourd'hui sont plus que jamais à la recherche d'un style. Sur les principaux sites d'information en ligne, des opinions de haute qualité et une section consacrée aux commentaires constituent une partie importante de l'offre. Les robots-journalistes sont parfaits pour la production de nouvelles standardisées, diffusant de grandes données et en tant qu'outil journalistique, mais pris isolément, ils sont l'équivalent journalistique de la restauration rapide. Et il est peu probable que les consommateurs aient envie d'un régime constitué à 90 % de restauration rapide.
L'auteur est chercheur en journalisme à l'Université de Nottingham, Ningbo, en Chine.