Dernière mise à jour à 09h18 le 06/07
Le Parlement Européen (PE), réuni en session plénière à Strasbourg, a rejeté jeudi la réforme sur le droit d'auteur dans l'Union Européenne (UE).
La "directive copyright", qui vise à adapter le droit d'auteur à l'ère numérique, est l'objet d'une large controverse entre les créateurs, les artistes ou les éditeurs de presse qui la soutiennent, et le camp de ses détracteurs qui rassemble à la fois les géants du numérique et des militants de la liberté sur internet.
Par 318 votes contre, 278 pour et 31 abstentions, le texte sur la réforme sur le droit d'auteur dans l'UE a été rejeté jeudi, à Strasbourg, par les eurodéputés réunis en session plénière. Les négociations ont pourtant duré presque deux ans sans que se dessine un réel compromis. Le texte sera donc à nouveau discuté par les parlementaires avant d'être présenté une nouvelle fois lors de la session plénière du PE en septembre.
"Le vote d'aujourd'hui représente une victoire pour la démocratie", a affirmé après le vote l'EDiMA, un groupe de pression qui rassemble les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) et d'autres grands noms du secteur technologique.
La législation en vigueur concernant les droits d'auteur date de 2001, une époque où Internet était encore balbutiant. L'objectif affiché de la "directive copyright" vise à "moderniser" ce texte et à l'adapter à l'ère numérique. Elle suscite néanmoins depuis des mois une large controverse qui se cristallise autour d'une question centrale: Comment concilier respect du droit d'auteur et liberté d'expression sur Internet?
Cette réforme propose d'améliorer les rémunérations des créateurs de contenus pour toutes les productions accessibles d'un simple clic. Un point crucial. La révolution numérique a en effet permis une optimalisation du travail de production tout en touchant un plus large public, mais elle a aussi contribué à une instabilité économique croissante chez les producteurs de contenus. Les recettes de ventes papier ou publicitaires ont ainsi grandement diminué, fragilisant les éditeurs et par ricochet, les collaborateurs de tout un secteur.
La "directive copyright" prévoit d'instaurer, grace à l'article 11, un "droit voisin" pour les éditeurs de presse, sorte de déclinaison du droit d'auteur. La requête des défenseurs du droit d'auteur est simple: il s'agit ainsi de permettre aux journaux et aux agences de presse d'être rémunérés pour la réutilisation sur le net de leurs productions.
"Ce nouveau droit reconna?t le r?le important que jouent les éditeurs de presse en termes d'investissement et de contribution à la création de contenus journalistiques de qualités, ce qui est essentiel pour l'accès des citoyens à la connaissance dans nos sociétés démocratiques", plaidait, en 2016, la Commission européenne, lors de la présentation de la directive.
Les organisations d'éditeurs de presse insistent de leur c?té sur les moyens et les besoins qui sont nécessaires à la création de contenus. Si la rémunération n'est pas juste, les médias qui ont un r?le clé dans "le pluralisme de l'information et la démocratie ne peuvent pas suivre", disent-ils d'une seule voix.
Les GAFA, mais aussi des eurodéputés écologistes et libéraux ou des juristes, ne sont pas de cet avis et affirment que cette réforme favoriserait les groupes de presse les plus connus au détriment des médias indépendants et des start-up.
Le célèbre site Wikipédia (encyclopédie collaborative et ouverte) est ainsi l'un des plus fervents opposants à cette nouvelle réforme. Il est même allé jusqu'à fermé momentanément certains de ses sites pour inciter ses lecteurs à protester contre les eurodéputés soutenant la nouvelle loi.
En mai dernier, 169 universitaires et juristes ont par ailleurs signé une pétition pour s'élever contre la réforme, invoquant une "entrave à la libre circulation de l'information".
L'article 13 fait lui aussi couler beaucoup d'encre. Il vise à contraindre les plateformes à obtenir une licence afin d'assurer une meilleure rémunération des créateurs de contenu. Les hébergeurs devront "déployer des technologies permettant de détecter automatiquement des chansons ou ?uvres audiovisuelles identifiées par les titulaires de droits", déclare le texte. Ceux-ci autoriseront alors la publication sur les plateformes concernées.
Il s'agit ici de la mise en place d'un filtrage automatique des contenus avant même leur mise en ligne. C'est à l'inverse de la tendance actuelle qui permet par exemple au Youtuber de supprimer une vidéo si elle ne respecte pas le droit d'auteur. Les plateformes prendraient le r?le de "censeurs" plut?t que de "modérateurs", estiment les détracteurs du texte. Pour ces derniers, une telle disposition "irait à l'encontre des principes fondateurs d'Internet, qui repose sur une diffusion et un partage ouvert des connaissances." Ils accusent la réforme de vouloir faire d'Internet un "outil de surveillance automatisée et de contr?le d'utilisateurs".
Quoi qu'il en soit, une chose est s?re: la controverse autour de la réforme du droit d'auteur à l'ère numérique est loin d'avoir dit son dernier mot.