Dernière mise à jour à 11h42 le 26/05
Le divorce est un domaine où les Philippines, où environ 80% de la population est catholique romaine, font figure d'exception mondiale : c'est en effet l'un des deux seuls pays du monde où il reste illégal (avec des exemptions pour les quelque 5% de population musulmane). Le seul autre pays où il est interdit, et le restera sans doute, est la Cité du Vatican. Faute de pouvoir divorcer, la seule solution qui reste aux couples philippins souhaitant se séparer est de déposer une demande en annulation. Mais cette procédure est co?teuse -de l'ordre de 5 000 dollars- et hors de portée pour de nombreux Philippins, dont les emplois ne leur apportent souvent que quelques dollars seulement par jour. Ce qui fait que de nombreuses femmes sont encore contraintes de vivre avec leur mari, quand bien même il est alcoolique ou violent.
Mais un projet de loi adopté en mars par la Chambre des représentants des Philippines donne espoir aux partisans du divorce. Elle permettrait le divorce pour diverses raisons, notamment les différences irréconciliables, l'abus, l'infidélité et l'abandon. Pour devenir loi, le projet de loi doit être adopté par le Sénat et approuvé par le Président. Mais le projet de la Chambre, qui a été adopté par 134 voix contre 57, et il est significatif puisque aucune loi sur le divorce n'a jamais été adoptée jusque-là aux Philippines, explique le sociologue Jayeel Cornelio de l'Université Ateneo de Manille. Il qualifie le projet de loi ? sans précédent ?, mais aussi logique dans un pays où une enquête récente a montré plus de la moitié des Philippins sont en faveur de l'autorisation du divorce ? pour les couples séparés et irréconciliables ?.
? L'influence de l'Eglise catholique, en ce qui concerne les questions politiques et des affaires morales privées, est de plus en plus faible dans le pays ?, dit Jayeel Cornelio. ? La résistance de l'église catholique au projet de loi de divorce est de plus en plus considérée comme n'étant pas dans l'intérêt du public mais seulement dans ceux de l'église catholique ?. Il estime qu'un projet de loi de divorce est une prochaine étape sensible, et même ? inévitable ? après le texte qui a permis aux Philippins, les plus pauvres en particulier, l'accès au contr?le des naissances en 2013, la loi sur la santé reproductive du pays. De nombreuses municipalités ont tardé à mettre en ?uvre cette loi sur la santé reproductive, qui a demandé plus d'une décennie pour passer, preuve du pouvoir dont l'église jouit encore.
Une version sénatoriale du projet de loi pourrait être examinée au cours des prochains mois, et les experts estiment que les chances de passage seraient d'environ 50 à 50. Mais même si le Sénat l'adopte, le projet de loi devra encore être approuvé par le Président Duterte, dont le propre mariage a été annulé. Il a exprimé son opposition au divorce par le passé, mais il a aussi critiqué l'église catholique pour sa condamnation de la guerre contre la drogue, qui selon les groupes de défense des droits de l'homme a fait plus de 12 000 morts depuis presque deux ans. Si un nombre suffisant de Philippins montrent publiquement qu'ils soutiennent un projet de loi sur le divorce, le populiste Duterte pourrait alors sauter sur l'occasion et donner son feu vert, faisant d'une pierre deux coups en accordant aux gens ce qu'ils veulent tout en infligeant une rebuffade à l'église, suggèrent certains observateurs, une tentation à laquelle il pourrait bien ne pas résister.