Dernière mise à jour à 09h20 le 20/01
Le débat houleux sur la crise migratoire, qui s'est tenu mardi après-midi à Strasbourg lors de la session plénière du Parlement européen (PE), a illustré l'enlisement dans lequel se trouve l'Union européenne (UE) et l'écartèlement entre ses Etats membres qui font planer une sérieuse menace sur l'avenir de l'espace Schengen.
Le président du Conseil européen Donald Tusk a donné le ton à l'ouverture du débat en déclarant : "Nous n'avons que deux mois pour trouver une solution". A l'issue du sommet européen des 17 et 18 décembre dernier, "en dépit des avancées politiques, je dois reconna?tre qu'il y a un manque d'actions sur plusieurs plans", a-t-il été contraint de concéder.
L'ultime réunion des leaders européens de 2015 avait une nouvelle fois échoué à trouver un réel accord et suscité beaucoup de déceptions. Seul consensus : la nécessité d'"endiguer le flux" de migrants et de "reprendre le contr?le des frontières extérieures", sans pour autant que la création d'un corps de gardes-frontières européens devienne effective.
"Nous n'arrêtons pas de nous répéter! Tout s'écroule parce que les Etats membres ne prennent pas de décision", s'est énervé le chef du groupe libéral Guy Verhofstadt avant d'interpeler vivement le président du Conseil : " Si demain l'Allemagne se mettait elle aussi à ne plus appliquer Schengen, peut-être pourrions-nous nous retrouver sans Union du tout!". Nombre de ses homologues chefs de groupes ont eux aussi fustigé l'inaction de l'UE et se sont alarmés du climat moral, social et politique délétère qui s'installe dans l'UE.
L'Allemagne, l'Autriche et la Suède, qui pr?naient une politique d'accueil généreuse ont très nettement infléchi leur discours, notamment sous la pression de leurs opinions publiques et des événements de la Saint-Sylvestre à Cologne dans lesquels des réfugiés sont suspectés de violences sexuelles. Des faits que plusieurs eurodéputés n'ont pas hésité à qualifier de "clash de civilisation".
Après la construction d'un mur l'été dernier par la Hongrie, des barrières se sont élevées un peu partout en Europe, en Slovénie, en Autriche, en Bulgarie, et les contr?les aux frontières intérieures de l'UE ont fait leur réapparition, y compris en Allemagne et en Suède. Vienne vient d'annoncer qu'elle ne laissera plus transiter via son territoire les demandeurs d'asile qui veulent, pour la plupart, se rendre en Scandinavie, à compter de la semaine prochaine. "L'Europe forteresse" n'est plus juste un concept mais bien une réalité qui s'impose chaque jour davantage sur le Vieux continent.
La Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque refusent d'entendre parler d'un mécanisme de répartition des réfugiés, pourtant acté par les instances de l'UE, et encore moins d'accueillir sur leur sol des populations musulmanes dont ils jugent les valeurs incompatibles avec la civilisation occidentale.
La situation est d'autant plus préoccupante qu'après l'arrivée de plus d'un million de migrants sur le sol européen en 2015, rien n'indique que le flux de migrants se tarisse. Malgré le "plan d'action" signé entre Bruxelles et Ankara fin novembre qui prévoit une aide européenne de 3 milliards d'euros aux autorités turques en échange de leur engagement à mieux contr?ler ses frontières et à coopérer dans la lutte contre les passeurs, le flux migratoire vers l'UE depuis la Turquie est resté "beaucoup trop élevé", a déploré la semaine dernière le vice-président de la Commission, Frans Timmermans.
Au delà de la fracture Est-Ouest qui se manifeste au grand jour, les divisions idéologiques se font de plus en plus criantes entre les tenants d'une réponse globale et ceux pour qui, à l'instar du partisan de la sortie de l'UE du Royaume-Uni, Nigel Farage, seule la souveraineté retrouvée permettra de faire face à la crise migratoire.
L'UE dans une crise sans précédent. L'autorité et la crédibilité de Bruxelles sont de plus en plus contestées comme en témoignent les appels à la démission des présidents de la Commission et du Conseil européen qui ont résonné mardi dans l'hémicycle du Parlement. Indéniablement, 2016 sera l'année de tous les dangers pour l'UE.