Dernière mise à jour à 10h48 le 15/10
La première confrontation télévisée en direct entre les sept concurrents de la droite à l'investiture présidentielle, jeudi soir, a fait figure de round d'observation pendant lequel chaque candidat a joué sa partition. A l'issue d'un débat largement technique et policé, sans grande surprise, les sondages confortent l'ancien Premier ministre et maire de Bordeaux Alain Juppé dans sa position de favori, loin devant l'ex-chef de l'Etat Nicolas Sarkozy.
Décidée en 2012 par l'UMP (devenue "Les Républicains"/LR) pour mettre un terme aux guerres intestines sévissant au sein de sa famille politique, cette primaire s'avère un exercice inédit et délicat pour la droite fran?aise qui doit à la fois rassembler ses troupes en vue de la bataille pour la présidentielle 2017 et convaincre les citoyens de l'Hexagone qu'elle a changé, qu'elle a un projet et est à même de reprendre les commandes du pays.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy n'a pas laissé que de bons souvenirs, y compris dans son propre camp. Mais, sur le plateau de la cha?ne TF1, jeudi soir, ses lieutenants et amis d'hier, désormais rivaux, n'ont pas choisi l'affrontement direct avec l'ancien président de la République, malgré quelques saillies et autres pics, l'épinglant notamment sur son bilan ou certaines de ses propositions.
Le débat, qui a rassemblé 5,6 millions de téléspectateurs selon Médiamétrie, n'a pas bouleversé la hiérarchie établie par les récents sondages. Deux sondages, l'un réalisé en fin de soirée par Elabe pour BFM TV, l'autre publié vendredi matin et réalisé par la Sofres pour LCI, le Figaro et Public Sénat conforte Alain Juppé, 71 ans, ancien Premier ministre de Jacques Chirac dans sa position de favori.
La Sofres crédite en effet l'édile bordelais d'une avance de 14 points d'opinions favorables sur Nicolas Sarkozy (61 ans). L'ex Premier ministre Fran?ois Fillon (62 ans) et le député de l'Eure Bruno Le Maire (47 ans) - qui fut challenger de Nicolas Sarkozy pour la présidence de l'UMP fin 2014 - arrivent troisièmes ex aequo avec 11%, reléguant loin derrière Nathalie Kosciusko-Morizet (43 ans), seule femme en lice (3%), Jean-Frédéric Poisson (53 ans) successeur de Christine Boutin à la tête du Parti chrétien démocrate (2%) et l'ex-président de l'UMP Fran?ois Copé (52 ans) (1%).
Lors de ce premier débat télévisé d'environ deux heures trente, les sept candidats ont répondu à une quinzaine de questions pour chacun, 60 secondes maximum pour chaque réponse, autour de deux thèmes principaux: l'économie et le social, puis la sécurité, l'identité et le terrorisme.
Après une introduction d'une minute chacun, ils ont dessiné les grandes lignes de leur programme économique, sans faire d'annonces nouvelles, affirmant quelques divergences sur les 35 heures ou le relèvement de l'age légal de départ à la retraite. "Je veux la liberté, je ne serai pas la Martine Aubry de droite", a notamment asséné Nicolas Sarkozy au sujet du temps de travail.
Tous s'accordent cependant sur une ligne néolibérale marquée, impliquant la suppression d'un grand nombre de fonctionnaires (500 000 postes, a proposé Bruno Le Maire qui est également partisan de la suppression des emplois aidés), la réduction de plusieurs dizaines de milliards de dépenses publiques, la baisse des charges des entreprises et des imp?ts (une "baisse des charges de 40 milliards d' euros, sur tous les niveaux de salaires", a déclaré Fran?ois Fillon; une baisse de 28 milliards d'euros pour Alain Juppé tandis que Jean-Fran?ois Copé veut augmenter la TVA de 3%).
A l'évocation des affaires judiciaires dans lesquelles certains candidats sont impliqués s'est fait sentir une certaine tension, bien loin cependant des déclarations assassines qui avaient marqué le début de la campagne, notamment lorsque Fran?ois Fillon avait chargé, sans le nommer, l'ex président Sarkozy (mis en cause dans l'affaire Bygmalion et celle des écoutes) en fustigeant: "Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen?".
Après une première partie très technique, le débat s'est focalisé sur des thématiques de société. Que faire des fichés S? Comment lutter efficacement contre le terrorisme? Quelle conception de l'intégration et de la la?cité?
Alors que certains comme Bruno Le Maire ou Nicolas Sarkozy - qui réclame l'internement des fichés S les plus dangereux - pr?nent une ligne dure dans la lutte antiterroriste, d'autres comme Fran?ois Fillon plaident pour l'application les lois existantes, à commencer par la déchéance de nationalité pour les jihadistes qui combattent en Syrie notamment qui les empêcheraient de revenir.
Alain Juppé, de son coté, préconise de s'appuyer sur "les professionnels du renseignement" en laissant certains fichés S en liberté afin de démanteler les filières.
Jean-Frédéric Poisson s'oppose quant à lui à l'incarcération des fichés S "quel que soit le motif" ainsi qu'aux prolongations de l'état d'urgence. Cet inconnu du grand public s'est plusieurs fois différencié durant le débat, notamment sur la question du temps de travail mais aussi sur la question du burkini. "Je ne comprends pas cette volonté de l'interdire", a-t-il lancé, condamnant "une police du vêtement".
Nathalie Kosciusko-Morizet, seule femme du plateau, a elle aussi tenté de faire entendre sa différence en affirmant vouloir construire "la nouvelle France" et en se réclamant d'"une droite de progrès, liberté et audace, alliée au centre, ouverte, qui rassemble". Partisante d'un "revenu de base pour tout le monde", elle a également défendu la légalisation du cannabis.
Les sept candidats ne se sont pas privés de décocher des flèches empoisonnées en direction du président Fran?ois Hollande, "inefficace et incompétent", "manipulateur", a accusé Fran?ois Fillon tandis que Nicolas Sarkozy, faisant allusion à la publication d'un livre-confession du chef de l'état qui fait grand bruit dans l'Hexagone, n'a pas hésité à déclarer: "Je me demande jusqu'où Fran?ois Hollande va salir et détruire la fonction présidentielle".
Deux autres débats sont prévus avant le premier tour de la primaire du 20 novembre. Le second tour se déroulera le 27 novembre.
L'élection à la Présidence de la République fran?aise aura lieu les 23 avril et 7 mai 2017.
Par Claudine Girod-Boos