Dernière mise à jour à 14h09 le 22/01
La décision du président sortant de la Gambie, Yahya Jammeh, de renoncer au pouvoir après une médiation régionale marque la fin de près de deux mois de crise politique dans ce petit pays enclavé dans le Sénégal.
Le président Jammeh a annoncé dans la nuit de vendredi à samedi qu'il acceptait de quitter le pouvoir et son pays, rapportent les médias locaux, citant la télévision publique gambienne. Arrivé au pouvoir le 22 juillet 1994 à l'issue d'un coup d'Etat, M. Jammeh a été battu lors de l'élection présidentielle du 1er décembre 2016 par le candidat de la coalition de l'opposition, Adama Barrow. Le lendemain, dans une déclaration à la télévision publique gambienne, il a reconnu sa défaite et appelé M. Barrow pour le féliciter en promettant de l'aider dans la transition.
Toutefois, une semaine plus tard, le président Jammeh crée la surprise en rejetant les résultats, évoquant des irrégularités de la Commission électorale indépendante. Le pays s'enlise alors dans une crise post-électorale et la communauté internationale exige du président sortant qu'il quitte le pouvoir. Une mission des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), dirigée par le président du Nigeria Muhammadu Buhari, a effectué deux voyages en Gambie pour tenter de trouver une issue à la crise, sans succès.
Face à cette impasse, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), réuni la semaine dernière à Addis Abeba (Ethiopie), a annoncé qu"'à compter du 19 janvier, l'UA cessera de reconna?tre Yahya Jammeh comme étant le président légitime". Pendant ce temps, le président élu de la Gambie est accueilli au Sénégal à la demande de la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, présidente en exercice de la CEDEAO. En janvier, celui-ci a participé même au sommet Afrique-France à Bamako, où la crise gambienne est évoquée.
A l'approche de la fin du mandat du président Jammeh, plusieurs de ses ministres et ambassadeurs ont font défection pour se réfugier à l'étranger. Mais le président résistait à la pression de la communauté internationale et à la menace d'une intervention militaire, en décrétant l'état d'urgence et en faisant prolonger son mandat de trois mois par l'Assemblée nationale. De son c?té, la Cour suprême du pays, composée en majorité de juges étrangers, a reporté l'examen du recours fait par M. Jammeh contestant le résultat de l'élection jusqu'en mai.
A la veille de la date d'investiture du président élu, le chef de l'Etat mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a fait un déplacement en Gambie pour une médiation. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le président mauritanien a rencontré le président élu Adama Barrow à Dakar, en compagnie du président sénégalais Macky Sall. Le même jour, mercredi, les forces de la CEDEAO ont annoncé une intervention imminente en Gambie pour déloger le président sortant, en cas d'échec de la médiation.
Plus de 45.000 personnes ont fui la Gambie depuis début janvier, se réfugiant en majorité au Sénégal, selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Au même moment, le Sénégal a présenté mercredi soir un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies visant à autoriser la CEDEAO à prendre "toutes les mesures nécessaires" pour assurer une passation de pouvoirs en Gambie.
Jeudi, le président élu a prêté serment à l'ambassade de Gambie au Sénégal. A la fin de la cérémonie d'investiture, les forces de la CEDEAO ont annoncé leur entrée en Gambie, après le feu vert de l'ONU pour une intervention militaire. Quelques heures après, la progression des troupes a été stoppée pour attendre le résultat de la médiation de la dernière chance des présidents guinéen et mauritanien.
La médiation d'Alpha Condé et de Mohamed Ould Abdel Aziz a finalement abouti à un accord de sortie de crise avec l'acceptation de M. Jammeh de quitter le pouvoir et de s'installer dans un pays africain (probablement en Guinée). Cet accord constitue, selon le président mauritanien, une "victoire de ceux qui militent en faveur d'une solution pacifique sur ceux qui pr?nent la violence et la guerre". L'accord prévoit "le départ de Yahya Jammeh de Gambie pour un pays africain, avec toutes les garanties pour sa famille, ses proches et lui-même. Il peut retourner dans son pays quand il veut et comme il veut", a affirmé le président mauritanien.