Dernière mise à jour à 08h36 le 20/07
En Turquie, le coup d'Etat manqué va sans doute permettre au président Recep Tayyip Erdogan de consolider son pouvoir et de renforcer sa tendance à imposer un présidentialisme fort, selon des analystes locaux.
Des membres du mouvement Gülen, un mouvement à tendance religieuse dirigé par l'imam Fethullah Gülen - un ancien allié du président Erdogan, installé aux Etats-Unis après être tombé en disgrace en 2013 - sont accusés par le gouvernement turc d'avoir planifié ce coup d'Etat.
Après avoir fait échoué le coup, qui a co?té la vie à au moins 290 personnes, le gouvernement turc s'est lancé dans une purge à grande échelle, avec plus de 6 000 arrestations et le limogeage de 50 000 fonctionnaires, dans une tentative de renforcer son contr?le sur toutes les institutions du pays.
La Turquie a longtemps été très divisée entre les partisans d'Erdogan et ceux qui le critiquent pour ses tendances islamistes et autocratiques. Mais la nuit du 15 juillet, le président Erdogan a réussi à faire descendre des centaines de milliers de partisans dans la rue, après avoir appelé sur la télévision nationale à s'opposer à la tentative de coup d'Etat.
Les partis politiques représentés au Parlement ont déclaré leur soutien au gouvernement élu, et ont dénoncé cette tentative de putsch. Ces événements ont contribué à unir de larges segments de la population, dans un pays où quatre gouvernements ont déjà été renversés par l'armée en l'espace de 40 ans.
"Avoir réussi à empêcher un coup d'Etat lancé par une faction interne à l'armée a symboliquement renforcé le pouvoir d'Erdogan et son assise politique en Turquie", a déclaré à Xinhua Serkan Demirtas, chroniqueur du journal Hurriyet Daily News.
"Erdogan a traversé de nombreuses épreuves au cours de sa carrière politique, mais le coup du 15 juillet a été la plus dure à ce jour. Avoir réussi à contrer cette tentative de coup d'Etat l'a rendu plus puissant, et lui a donné davantage de légitimité pour adopter de nouvelles mesures politiques en Turquie", selon M. Demirtas.
"Il a commencé à exclure sans distinction les membres du mouvement Gülen et tous ceux qui s'opposent à lui au sein des institutions d'Etat, ce qui lui permettra de faire taire toute forme de dissenssion", a-t-il ajouté.
Les personnalités politiques et les médias ont fait front commun après ces évènements, a expliqué M. Demirtas, ajoutant que le président Erdogan était parvenu à restaurer une solidarité que l'on n'avait plus vue en Turquie depuis longtemps.
Pour ce qui est des implications de cette tentative de coup d'Etat sur la politique turque, Erdogan dispose à présent d'un environnement bien plus favorable qu'auparavant pour transformer le système turc en un système exécutif fort, dans lequel le président disposerait de pouvoirs étendus, a-t-il expliqué.
Nebi Mis, expert politique de la Fondation pour la recherche politique, économique et sociale (SETA), considère cette tentative de coup d'Etat comme un grave risque pour le pays.
"Dans les jours à venir, la sphère politique turque va s'efforcer de nettoyer l'appareil d'Etat de tous les partisans du mouvement Gülen", a-t-il déclaré.
Depuis son élection en 2014, M. Erdogan s'efforce de tirer la Turquie vers un système présidentiel fort, qui lui permettrait d'être le seul et unique décideur au sein du gouvernement et de son propre parti.
La constitution actuelle demande en effet au président d'être impartial, et de couper tout lien avec le parti auquel il était affilié avant son élection.
M. Erdogan a cependant continué après son élection à intervenir dans les affaires du Parti de la Justice et du Développement, dont il a été l'un des fondateurs, et qu'il a dirigé jusqu'en 2014.