Dernière mise à jour à 09h18 le 08/02
Un mannequin présente une création lors de la semaine de la mode printemps/été 2018 de Shanghai, en Chine, le 11 octobre 2017. |
"Un jour, ce sera aux étrangers de découvrir, sans doute avec surprise, les grandes marques de la mode en Chine." Charlotte Kwok a été durant plus de 15 ans directrice de la communication chez Parfums Christian Dior du groupe LVMH (Mo?t Hennessy Louis Vuitton, leader fran?ais du luxe et de la mode dans le monde). Elle porte aujourd'hui son regard de spécialiste sur l'évolution de ce secteur.
"Actuellement, quand on parle de la mode, on pense d'abord à la mode occidentale. En fait, la mode chinoise dans l'antiquité était très développée, avec de remarquables vêtements, broderies, accessoires, bijoux, voire même la porcelaine et le jade, les meubles et les jardins, si on considère tout cela comme faisant partie de la mode au sens large. La Chine compte 56 groupes ethniques, chacun avec un patrimoine important, autant de richesses à développer par les stylistes chinois qui ont pu accumuler leurs expériences à la fois chinoises et occidentales", déclare-t-elle.
Elle fait également remarquer que les entreprises chinoises ont elles aussi activement participé à la distribution de certaines grandes marques internationales, dont certaines entreprises avaient déjà obtenu la représentation commerciale exclusive en Chine.
"Les Chinois apprennent vite et innovent tout aussi rapidement. Prenons l'exemple de l'e-commerce. Selon une recherche faite par Alibaba et Accenture Research Center, le chiffre d'affaires de l'e-commerce transfrontalier de la Chine atteindra 1.000 milliards de dollars d'ici 2020, soit la totalité des activités du secteur du monde d'aujourd'hui."
"La raison pour laquelle les stylistes chinois n'ont pas été couronnés de succès lors des salons de la mode de réputation internationale durant la décennie 2005-2015 est que l'industrie de la mode chinoise n'était pas aussi m?re qu'aujourd'hui. Ils ont profité de cette décennie pour se préparer. Depuis 2015, beaucoup de stylistes chinois ont émergé, en attirant l'attention du public à l'extérieur comme à l'intérieur de la Chine avec leurs propres marques et leurs créations aussi impressionnantes que celles des grandes marques au niveau des matières, de la conception, de la couture et de la décoration", indique Mme Kwok.
Dans le même temps, les habitudes des Chinois amateurs de luxe et de mode ont changé. Les Chinois ont dépensé 116,8 milliards de dollars en produits de luxe en 2015 et 120,4 milliards de dollars en 2016, selon un rapport du Fortune Character Institute. Cela représente presque la moitié des produits de luxe du monde.
La mode est un langage universel, comme la musique, et ne conna?t pas de frontière. Les étrangers peuvent également porter avec élégance des vêtements chinois. Le flacon tout en longueur du parfum "J'adore" de Christian Dior est inspiré du cou des femmes-girafes au Myanmar et en Tha?lande (les femmes padaungs), beaucoup d'éléments asiatiques ou chinois ont été empruntés par des grandes marques, en particulier la broderie chinoise et le motif du lotus, explique-t-elle.
"Quarante années de développement depuis la réforme et l'ouverture en 1978 ont imprimé leur marque dans le pays. Les Chinois font plus d'attention à leur qualité de vie matérielle comme spirituelle et savourent maintenant la mode de la même manière qu'ils savent le faire pour le thé, c'est-à-dire avec un meilleur jugement esthétique, afin de ne plus choisir aveuglement", indique Mme Kwok. Une évolution visible chez les consommateurs de mode mais également bien s?r chez les créateurs.
"Les jeunes générations chinoises ont une vision plus large, font preuve de plus de créativité et d'une plus grande vigueur. Elles sont plus sensibles aux nouvelles choses. Si elles se mettent à exploiter en profondeur le patrimoine culturel chinois auquel la mode est très liée tout en mettant à profit leur expérience acquise auprès de la mode occidentale, l'industrie de la mode chinoise ira s?rement très loin", conclut-elle.