Dernière mise à jour à 08h42 le 25/03
La visite historique de trois jours du président américain Barack Obama à Cuba au début de cette semaine a dé?u les attentes des Cubains, si l'on en croit des interviews menées dans les rues de La Havane.
La visite de M. Obama du 20 au 22 mars manquait de substance et semble s'être concentrée sur une minorité de Cubains travaillant dans le secteur privé.
"M. Obama est à n'en point douter un homme politique charismatique. Avec son sourire affable et son intelligence naturelle, il peut toucher les publics les plus divers. Mais pour être honnête, nous attendions plus d'annonces et de résultats concrets", a indiqué Alicia Escalona, une enseignante à la retraite.
Bien que les deux pays aient rétabli leurs relations diplomatiques, de nombreuses politiques datant de la Guerre froide et appliquées par Washington depuis un demi-siècle continuent de paralyser l'économie et la société cubaines.
En particulier, l'embargo commercial américain contre Cuba, les politiques d'immigration qui visent à faire venir aux Etats-Unis les élites cubaines et l'occupation illégale de la baie de Guantanamo sont montrés du doigt.
Le gouvernement cubain n'est pas parfait, mais il est indéniable qu'il a accompli de grandes choses en permettant à tous d'accéder à l'éducation et aux soins médicaux, a souligné Mme Escalona.
Dans ce sens, elle a estimé que les critiques de M. Obama à l'égard du gouvernement cubain étaient inacceptables.
De nombreux problèmes doivent encore être résolus, y compris la question du retrait des Etats-Unis de la baie de Guantanamo et la révocation de la loi d'ajustement cubain, a indiqué Odalys Gonzalez, femme au foyer.
La loi d'ajustement cubain permet aux Cubains d'obtenir la résidence temporaire aux Etats-Unis ainsi que le droit de travailler quasiment dès leur arrivée sur le territoire américain, ce qui incite des milliers de Cubains à émigrer aux Etats-Unis chaque année.
Le fils de Mme Gonzalez est l'une des victimes de cette politique. Séduit par la promesse d'un avenir meilleur, il est parti pour les Etats-Unis, mais n'a pu trouver un emploi décent qui lui permettrait d'acheter une maison sur place ou de prendre un billet d'avion pour retourner à La Havane. Mère et fils ne se sont donc pas vus depuis huit ans.
"Rien n'est aussi merveilleux qu'ils ne le prétendent", a déploré Mme Gonzalez.
M. Obama prétend que les Etats-Unis sont un pays où un métis élevé par une mère seule peut devenir président, mais si cela est vrai pour lui, cela ressemble plus à une histoire hollywoodienne qu'à la vraie vie pour les Cubains, a-t-elle regretté.
"M. Obama a parlé de la réunion des familles cubaines, séparées depuis un demi-siècle par la promesse du "rêve américain". Mais il n'a promis aucune mesure concrète pour résoudre le problème", a-t-elle ajouté.
Adela Martinez, une ouvrière, a quant à elle déploré que M. Obama ait passé la majeure partie de sa deuxième journée à une conférence d'entrepreneurs visant à stimuler le secteur privé naissant cubain. "Ce n'est qu'une petite communauté, je ne me sens pas concernée par son discours", a-t-elle souligné.
"Je pense que les mesures qu'il a prises pour démanteler le blocus sont bonnes, mais je me demande pourquoi la majorité d'entre elles évitent de travailler avec le gouvernement cubain", a-t-elle ajouté.
Malgré ses lacunes, la visite de M. Obama aidera à stimuler l'économie cubaine, a estimé Manuel Rodriguez, qui travaille à son compte. "Ce déplacement ouvre un nouveau chapitre dans le développement de relations et nous remplit d'enthousiasme et d'espoir, car notre économie a besoin d'être stimulée pour dynamiser les secteurs de production du pays", a-t-il estimé.
La reconnaissance par M. Obama de l'échec de la politique de Washington à l'égard de Cuba a été une première étape positive, mais plus doit être fait pour réparer les torts que les Etats-Unis ont causés à Cuba, a-t-il ajouté.
Cuba a demandé aux Etats-Unis des réparations pour les pertes colossales que le pays a subies à cause de l'embargo, mais cela sera très difficile, car Washington prétend que ses entreprises implantées à Cuba ont été nationalisées après la révolution cubaine de 1959.