A Marseille, un entrepreneur chinois a réalisé son rêve. En 2018, le "Marseille International Fashion Center 68" (MIF68), un centre de commerce de gros spécialisé dans la mode, a vu le jour sur les collines qui surplombent la Méditerranée, à dix minutes à peine du Vieux-Port.

"Le taux d'occupation des stands dépasse aujourd'hui les 80%", confie à Xinhua le PDG du MIF68, Chen Dingguo. Il est ravi de constater qu'en moins d'un an, cet ensemble de batiments modernes construits à l'aide de conteneurs colorés a permis de créer de nouveaux emplois et de générer de nouveaux échanges commerciaux dans la cité phocéenne.

Ceux qui connaissent Marseille sont toujours impressionnés par le nombre de grossistes implantés dans son centre-ville. Pour des raisons historiques, les vieilles rues du centre sont très étroites, si bien que dès qu'un camion de livraison s'y arrête, toute la rue se trouve bloquée.

C'est aussi à cela que le MIF68 apporte une solution. Il est en effet relié à une autoroute de qualité et situé tout près du futur port de conteneurs ; il ne faut en outre que 15 minutes en voiture pour aller du MIF68 à l'aéroport de Marignane.

Dans ce centre commercial, chaque grossiste dispose de deux conteneurs superposés d'une superficie totale de 170m2, ce qui lui permet de présenter facilement ses marchandises. De plus, le centre accueillera à terme 200 boutiques, créant ainsi de nombreux emplois pour la ville.

Du point de vue international, le MIF68 a permis d'établir des passerelles entre la province chinoise du Zhejiang, le sud de la France et l'Afrique du Nord, facilitant ainsi des flux commerciaux qui s'étendent sur des milliers de kilomètres et à travers plusieurs océans. Sa construction cadre tout à fait avec les objectifs de l'Initiative "la Ceinture et la Route".

Proposée par la Chine en 2013, cette initiative comprend la "Ceinture économique de la Route de la Soie" et la "Route de la Soie maritime du 21e siècle". Elle vise à créer un réseau d'infrastructures et d'échanges commerciaux reliant l'Asie à l'Europe et à l'Afrique via les anciennes voies commerciales de la Route de la Soie.

De nombreux produits venus du Zhejiang sont ainsi déchargés à Marseille pour être ensuite présentés dans le MIF68 ; les clients nord-africains viennent quant à eux à Marseille pour sélectionner les produits qu'ils souhaitent importer et les ramènent directement chez eux par bateau ou par avion, explique M. Chen.

L'ancienne directrice du port de Marseille, Christine Cabau-Woehrel, a ainsi déclaré dans une interview accordée en 2017 à Xinhua qu'elle était convaincue que le volume des livraisons entre la Chine et le port de Marseille augmenterait de manière significative après la création du MIF68, "ce qui sera certainement une bonne chose pour le port".

Mais le MIF68 ne représente qu'une petite partie des nombreuses coopérations sino-fran?aises créées dans le cadre de l'Initiative "la Ceinture et la Route".

De fait, la métropole d'Aix-Marseille-Provence est directement située sur l'axe de "la Ceinture et de la Route". Le port de Marseille Fos dispose d'une position stratégique en Méditerranée, ce qui en fait une plaque tournante naturelle pour connecter la Chine à l'Europe via le canal de Suez.

En outre, le port dispose encore de marge en matière de capacités logistiques et foncières, contrairement aux ports du nord de l'Europe qui connaissent en ce moment un phénomène de saturation, a indiqué à Xinhua un responsable du port de Marseille Fos au cours de l'Exposition internationale des importations de la Chine (CIIE), qui s'est tenue en novembre dernier à Shanghai.

Historiquement, le territoire marseillais a toujours joué un r?le important dans les liaisons commerciales entre l'Europe et l'Asie, a-t-il ajouté, soulignant que la force historique des liens unissant le port de Marseille et la Chine était toujours d'actualité, que ce soit en termes d'investissements industriels et logistiques traditionnels ou en matière de connectivité numérique.

Outre les flux de marchandises, Marseille est en effet aussi un centre d'importance mondiale pour le transit des données informatiques, dans la mesure où 13 cables numériques sous-marins viennent s'y connecter et que le port de Marseille s'apprête à en accueillir une quinzaine d'autres dans les prochaines années.

D'après des données fournies par l'agence Business France, le port de Marseille Fos a également signé avec la Chine un accord portant sur la construction d'une nouvelle usine qui constituera le plus grand projet d'investissement industriel chinois en France. Cette usine entrera en service en automne 2021. Le projet représentera à lui seul un volume de fret annuel de 400.000 tonnes et un investissement de 105 millions d'euros (environ 118 millions de dollars), et créera directement 130 emplois.

Au cours des dernières années, plus de 15 autres sociétés ou projets chinois ont choisi la métropole d'Aix-Marseille-Provence pour développer leurs activités.

Dans une interview accordée à Xinhua, l'ancien Premier ministre fran?ais Jean-Pierre Raffarin a présenté sa vision de l'Initiative "la Ceinture et la Route", à laquelle la France participe notamment sous la forme d'une coopération entre les ports de Marseille et de Shanghai. "Une alliance de l'Europe et de l'Asie pourrait permettre de stabiliser le monde (...) C'est un sujet stratégique", a-t-il estimé, allant jusqu'à évoquer "un arc allant de Pékin et Paris jusqu'au Cap", qui pourrait être un "nouvel arc de stabilité" dans le monde.

Pour M. Chen, un nouveau rêve se réalisera bient?t avec le lancement de la deuxième phase du projet MIF68. A l'avenir, "de plus en plus de grossistes chinois participeront à ce projet", affirme-t-il avec conviction.

Par Ying Qiang, Tang Ji et Xu Yongchun