Dernière mise à jour à 08h13 le 23/06
L'Inde et le Pakistan devraient adhérer à l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) en tant que membres à part entière lors de la 16e réunion du Conseil des chefs d'Etat de l'organisation prévue les 23 et 24 juin à Tachkent en Ouzbékistan.
Le passage du groupe de six à huit membres témoigne de la puissance d'attraction des valeurs inhérentes de l'OCS : "l'esprit de Shanghai" fait de confiance mutuelle, d'avantages réciproques, d'égalité, de consultation, de respect de civilisations diverses et de poursuite d'un développement partagé.
Né il y a vingt ans, "l'esprit de Shanghai" sert non seulement de valeur de base de l'OCS, mais contribue aussi à l'influence croissante de l'Asie centrale dans son ensemble.
"Il s'agissait à l'origine d'un bloc d'Asie centrale en quête de sécurité collective. Avec ces deux nouveaux membres, il se positionne désormais comme un bloc eurasiatique qui peut parvenir à plus de résultats en termes tant de sécurité que d'économie", estime Wang Yiwei, professeur à Faculté des études internationales de l'Université Renmin de Chine.
UNE COOPERATION REUSSIE EN MATIERE DE SECURITE
En tant qu'un mécanisme régional efficace et constructif, l'OCS a acquis une bonne réputation pour son r?le dans la protection de la stabilité régionale.
Son prédécesseur, le groupe informel des "Cinq de Shanghai" (Chine, Kazakhstan, Kirghizistan, Russie et Tadjikistan), a réussi à mettre l'Asie centrale à l'abri des conflits grace à deux traités régionaux importants signés sous les auspices de "l'esprit de Shanghai", à savoir un traité sur l'intangibilité des frontières en 1996 et un traité sur la réduction des forces armées dans les régions frontalières en 1997.
Pour Erik Ashimov, représentant permanent du Kazakhstan auprès du Secrétariat de l'OCS, ces traités sont "sans précédent", parce qu'ils ont "transformé les zones frontalières, jadis conflictuelles, en zones de paix, servant même de lien d'amitié entre les pays limitrophes".
En 2001, l'Ouzbékistan a adhéré au bloc pour en devenir le sixième membre. Les six Etats ont alors adopté la Déclaration de l'OCS, permettant à l'organisation d'atteindre un niveau plus élevé de coopération internationale.
Depuis sa création, le mécanisme a effectivement agi en relevant les défis de sécurité traditionnels comme les "trois forces du mal" que représentent le terrorisme, le séparatisme et l'extrémisme, ainsi que les défis non-traditionnels tels que la criminalité transfrontalière.
"L'OCS a engendré des résultats impressionnants pour ce qui concerne la coopération en matière de sécurité grace aux efforts conjoints tels que les exercices antiterroristes réguliers, l'échange d'informations sur les activités terroristes et les actions coordonnées des services de renseignement", note Alexandre Loukine, directeur du Centre d'études sur l'Asie de l'Est et l'OCS au sein de l'Institut d'Etat des relations internationales à Moscou.
Selon Sergue? Katyrine, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Russie, l'OCS a grandement contribué à la stabilité régionale, devenant de plus en plus influente en tant que mécanisme de travail efficace en faveur du maintien de la paix et en tant que garant de la stabilité dans la région eurasiatique.
DAVANTAGE DE RESPONSABILITES
Le 16e sommet de l'OCS est prêt à promouvoir davantage "l'Esprit de Shanghai" et à donner la direction du développement futur du bloc, incluant une coopération sécuritaire dans une région d'Eurasie élargie et une coopération économique plus étendue.
"Avec l'adhésion de l'Inde et du Pakistan dans le bloc, l'OCS répond activement à la dynamique de menace sécuritaire dans une région eurasiatique élargie", estime le chercheur Ye Hailin, spécialiste en Asie du Sud à l'Académie chinoise des sciences sociales, selon qui le bloc "luttera contre les menaces sécuritaires telles que le terrorisme".
Les remarques de M. Ye sont pertinentes bien que la situation sécuritaire reste relativement stable en Asie centrale.
"Il y a eu une augmentation des tensions régionales et des activités terroristes", remarque Andre Kazantsev, directeur du Centre d'analyse à l'Institut des relations internationales de Moscou.
Le groupe Etat islamique (EI) a recruté un grand nombre de personnes dans les régions économiquement défavorisées et la possibilité que les pays d'Asie centrale deviennent un nouveau foyer d'activités terroristes est en hausse, signale-t-il.
"Nous sommes confrontés à des tensions frontalières accrues, qui pourraient encore s'aggraver à l'avenir", redoute Youri Tavrovski, professeur à l'Université russe de l'Amitié des peuples. "Par conséquent, il est particulièrement nécessaire de renforcer notre coordination pour lutter contre le terrorisme et de préserver la sécurité en Asie centrale", martèle M. Kazantsev.
L'OCS a créé des organes pour mener conjointement des exercices antiterroristes, une sécurisation des activités internationales, des échanges de renseignements et lutter contre le cyberterrorisme. Mais davantage de coordination et de cohésion sont toujours nécessaires, estime Zhang Xinfeng, directeur du comité exécutif de l'Agence régionale de lutte contre le terrorisme de l'OCS.
Sun Zhuangzhi, secrétaire général du Centre de recherche sur l'OCS à l'Académie chinoise des sciences sociales, pense que l'OCS est également confrontée à des menaces sécuritaires non conventionnelles.
"La sécurisation des ressources alimentaires est devenue une priorité pour de nombreux pays d'Asie centrale où l'approvisionnement en aliments repose en grande partie sur les importations", remarque M. Sun, ajoutant que "des pays tels que le Kazakhstan qui sont économiquement mieux lotis ont besoin d'attacher plus d'importance à la sécurité financière."
DES PERSPECTIVES DE COOPERATION ELARGIE
Outre l'examen du protocole détaillant les obligations de l'Inde et du Pakistan en vue de leur adhésion à l'OCS lors du sommet de Tachkent, le bloc pourrait également ajouter quelques pays sur la liste des pays observateurs, ce qui, selon M. Wang, constitue un pas en avant pour promouvoir la prospérité économique régionale.
Dans ce but, les pays membres de l'OCS se sont alignés sur l'initiative "la Ceinture et la Route", proposée par le président chinois Xi Jinping en 2013 pour renforcer la connectivité et la coopération régionale.
Certains programmes ont déjà donné des résultats et certains sont encore en cours.
Le Couloir international de transit Europe occidentale-Chine occidentale et le Couloir de transport Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Oman sont en construction en vue de faciliter le transport international, ce qui bénéficiera à environ trois milliards de personnes dans les pays le long de l'ancienne Route de la Soie.
Une fois le chemin de fer entre la Chine et le Kirghizistan achevé et mis en service, le Kirghizistan sera en mesure de relier son réseau ferroviaire avec ceux de l'Ouzbékistan, du Turkménistan, de l'Azerba?djan et même de l'Europe.
En outre, les Etats membres de l'OCS ont également enregistré des progrès en matière d'énergie, de transport et de télécommunication.
Aujourd'hui, ils tentent d'exploiter davantage le potentiel de coopération économique au sein de l'OCS via la mise en ?uvre des projets plus stratégiques et pragmatiques au niveau multilatéral.
Afin de financer des grands projets, le Premier ministre chinois Li Keqiang a appelé à une expansion constante du Consortium interbancaire de l'OCS lors de la réunion des chefs de gouvernement de l'OCS dans la ville chinoise de Zhengzhou en décembre dernier.
La Chine entend solliciter la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII) et la Banque de développement des BRICS pour soutenir les projets des membres de l'OCS, a déclaré M. Li.
Ces mesures concrétisent l'engagement de la Chine à construire une communauté de destin dans la région, un engagement incarné par "l'Esprit de Shanghai".