De ses 76 jours de cachot dans "une forêt dense" avec 7 membres de sa famille dont son épouse et leurs enfants, Seini Boukar Lamine, le lamido de Kolofata, haute autorité traditionnelle enlevée fin juillet dans cette localité du Nord-Cameroun à la frontière nigériane par un groupe armé présumé d'être la secte islamiste Boko Haram, en parle avec une émotion profonde. "Nous étions dans des espèces de huttes, dans une forêt, une forêt dense", a témoigné à Xinhua le garant de la tradition dont le visage et le corps apparaissaient encore lundi, deux jours après son arrivée à Yaoundé, marqués par la souffrance lors de la réception organisée au palais présidentiel en l'honneur de l' ensemble des 27 ex-otages chinois et camerounais libérés aux mains de Boko Haram vendredi.
Diminué physiquement, le lamido, qui est même temps le maire de Kolofata, n'en finit pas remercier le pouvoir camerounais d'avoir oeuvré, encore une fois avec efficacité comme dans les cas précédents depuis le premier enlèvement subi par une famille fran?aise (Moulin-Fournier) en février 2013 suivie par la suite de deux groupes de religieux, pour obtenir sa libération et celle des autres captifs.
Car, affirme-t-il dans un aper?u des conditions de détention que le président Paul Biya a lui-même qualifiées d'"atroces" dans son allocution lors de la cérémonie tenue en mi-journée au palais de l'Unité de Yaoundé, en présence de l'ambassadeur de Chine au Cameroun,Wo Ruidi, le groupe d'otages auquel il appartenait sort de très loin."Les femmes et les enfants ont été séparés des hommes ", sept au total.
Seini Boukar Lamine avait été kidnappé avec sa femme et leurs six enfants dans leur domicile de Kolofata à la suite d'une attaque "brutale" selon lui, au cours de laquelle Agnès Fran?oise Ali née Moukouri, l'épouse du vice-Premier ministre chargé des Relations avec les Assemblées, Amadou Ali, grande figure du régime Biya, avait subi le même sort dans la résidence familiale.
"C'était dur, ils nous avaient plaqués au sol, ils nous ont fait trembler. Mais au final, comme nous sommes sortis vivants, c' était la première étape, parce que ce n'était pas évident. Après, c'était le statut qui a changé. Nous n'étions pas destinés à mourir immédiatement. Nous sommes devenus des otages et ?a c'est une autre phase qui commen?ait", relate le chef traditionnel.
Dans le Nord-Cameroun, les lamidos sont des personnages influents. Mais, le captif de Kolofata n'avait pas vu venir son kidnapping par les combattants de Boko Haram, également pointés pour la prise d'otage de 10 ouvriers chinois d'un chantier routier à la frontière nigériane dans une autre attaque violente et meurtrière dans la nuit du 16 au 17 mai.
Avec ceux-ci, c'est un total de 27 ex-otages, "rendus dans la nuit", selon un communiqué officiel sans précision de l'identité des ravisseurs, du lieu et des conditions de la libération, que le gouvernement camerounais se félicite d'avoir ramenés "sains et saufs" samedi à Yaoundé, à bord d'un appareil, un C-130, de l' armée nationale en provenance de Maroua, la principale ville de la région de l'Extrême-Nord.
"C'est un soulagement, bien s?r, et une fierté, parce qu'il nous a été donné d'exprimer notre profonde gratitude au chef de l' Etat pour ce dénouement heureux de l'événement que nous avons subi. Nous rendons grace à Dieu et nous lui sommes infiniment reconnaissants. Mais je dois vous dire que durant notre moment difficile nous n'avons à aucun moment douter de l'énergie que nos hautes autorités déploieraient pour nous sauver de cette situation ", assure le lamido Seini Boukar Lamine.
"Nous connaissons, poursuit-il, le sens d'humanisme du chef de l'Etat et l'attention qu'il porte aux citoyens camerounais en pareille circonstance. Que ce soit les inondations, les catastrophes naturelles et l'agression que nous avons subie, il a toujours été réactif à cette situation et c'est ce qui nous a fait espérer durant tout notre séjour(...) Nous n'avons pas eu tort et nous sommes très contents".
Dans son expression de réconfort, le chef de l'Etat camerounais, lui, a salué le "courage" et l'"endurance" des 27 ex-otages, en dépit d'"une détention dans des conditions atroces". Avant de réaffirmer la détermination de son gouvernement à "continuer sans relache de combattre le Boko Haram jusqu'à son éradication totale".
Pour la libération de son épouse, le vice-Premier ministre Amadou Ali a lui aussi fait part de ses remerciements "au président de la République, S.E. Paul Biya, qui, dès que cet événement est arrivé, m'a re?u, m'a fait part de sa compassion envers moi-même, envers ma famille, et m'a promis qu'il fera tout ce qui est à son pouvoir pour que les otages reviennent". "?a me donne donc, a-t-il souligné, le sentiment que j' appartiens à une patrie. J'ai un chef d'Etat qui est soucieux de son peuple, du plus petit au plus grand, et de ce fait, je réitère, bien entendu, mon attachement à lui-même, aux institutions qu'il incarne et dire à lui-même et au peuple camerounais tous nos remerciements pour tout ce qui a été fait".
Le membre du gouvernement a fait état d'"une épreuve terrible ", en disant souhaiter qu'"elle n'arrive à personne".
Encore sous le choc à l'arrivée samedi à l'aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, les 27 ex-otages laissaient transpara?tre lundi des signes de bonheur d'un retour à la liberté. Contre leurs vêtements sales et déchirés, les 10 Chinois, remis officiellement à l'ambassadeur de Chine, ont troqué des tenues neuves faites de chemises et de pantalons pour leur rencontre avec le numéro un camerounais. A ces h?tes, Paul Biya a souhaité un "bon retour" au pays et " beaucoup de chance pour l'avenir". Occasion pour l'ambassadeur Wo Ruidi de saluer la "solidité" des relations sino-camerounaises, après avoir condamné les attaques de Boko Haram dans l'Extrême- Nord et assuré de la disponibilité des autorités de Beijing à fournir l'assistance aux pays confrontés au terrorisme, y compris le Cameroun.
Par Rapha?l MVOGO