Prohibée, comme le football, la cigarette et l'alcool, la musique a repris ses droits à Gao, la Cité des Askia, symbolisant ainsi un "retour à la normale" dans cette ville du nord du Mali, après dix longs mois d'occupation rebelle et islamiste, a constaté un correspondant de Xinhua.
Avant le week-end dernier, le visiteur pouvait assister à un show du jeune artiste local Moulaye, à "L'Escale Saneye", un espace de loisir trés couru de la banlieue de Gao.
A quelques pas du QG de la MINUSMA, le bar "Petit Dogon" a également retrouvé ses lustres d'antan.
Transformé en tribunal islamique par les islamistes, l'H?tel de ville a aussi renoué avec ses missions municipales.
Carrefour culturel, Gao savoure sa libération avec un regard sur les stigmates de son occupation par les islamistes, notamment la direction régionale des douanes et celle de la Police qui ont été presqu'entièrement détruites par les bombes de l'Opération fran?aise Serval.
"Nous avons retrouvé une certaine quiétude. Mais, la page de l' occupation n'est pas encore définitivement tournée, parce que non seulement les stigmates demeurent, mais aussi parce que la menace terroriste est toujours réelle"? confie un des adjoints au maire, qui a souhaité gardé l'anonymat.
"Malgré notre présence (armée et forces de sécurité) et celle de la MINUSMA, la population vit dans la psychose des actes terroristes, notamment des kamikazes et des tirs de roquettes", souligne un officier de la gendarmerie malienne ne souhaitant pas non plus être nommé.
C'est pourquoi la ville se barricade de 18h00 à l'aube, pour " éviter des infiltrations", précise-t-il.
Pour Bouba, un jeune enseignant, "la présence de la MINUSMA n' est pas un gage de sécurité pour les habitants de Gao. Ici, on n'a confiance qu'aux Fran?ais".
Un avis partagé par Ibrahim Ma?ga, professeur de lycée et l'un des leaders de la résistance des jeunes aux islamistes. "Les gens sont convaincus que la MINUSMA n'est pas là pour leur protection. Un sentiment renforcé par les événements de Kidal en mai dernier où les soldats onusiens n'ont pas bougé de leur quartier général alors que des terroristes déguisés en rebelles massacraient nos administrateurs, soldats, policiers et gendarmes". "Ce qui fait que, poursuit Ibrahim, beaucoup de fonctionnaires ont ramené leurs familles à Bamako après ces événements. Et les cadres et agents de l'administration avaient commencé à quitter leurs postes. Il a fallu que le gouverneur donne des instructions fermes aux agents de sécurité qui ne doivent plus laisser passer aucun fonctionnaire sans ordre de mission".
Aujourd'hui, les autorités maliennes et les ONG s'activent pour redonner confiance et espoir aux populations en s'attaquant aux causes et aux conséquences de la crise que Gao a vécues entre mars 2012 et janvier 2013, à l'image de toutes les régions du nord du Mali.
C'est ainsi que le ministère malien de l'Emploi et de la Formation professionnelle a lancé, le 31 ao?t dernier, un vaste programme de renforcement de capacité à l'intention des femmes et des jeunes.
Le programme vise à "remettre les jeunes au travail", en les formant et équipant, en les aidant à entreprendre "pour qu'ils ne deviennent plus des proies faciles pour des organisations terroristes ou mafieuses".
En tout cas, les autorités politiques et administratives sont convaincues que la formation et l'aide à l'insertion sont "l'une des meilleures approches pour corriger les raisons et les conséquences de la crise multiforme que notre pays vient de vivre".
Les femmes ne sont oubliées dans les programmes d'aide. Le Collectif Cri de Coeur a bénéficié d'un financement de l'Office des Nations unies contre la torture afin d'aider les femmes victimes de violences sexuelles et les ayant-droits. Ainsi, près de 140 femmes bénéficient d'une assistance sociale, psychologique et médicale ainsi que d'un financement de leurs activités génératrices de revenus.