Dernière mise à jour à 11h19 le 20/09
La décision de l'Australie de rompre un contrat de sous-marins des dizaines de milliards de dollars américains avec la France signé en 2016 et de se tourner vers les Etats-Unis et le Royaume-Uni pour d'autres alternatives à propulsion nucléaire a suscité un tollé sur le continent européen.
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ont annoncé mercredi un nouveau partenariat de sécurité, baptisé "AUKUS" (Australia-UK-U.S.), dont la première initiative est la livraison d'une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire à l'Australie par les deux autres.
La France a décidé vendredi de rappeler ses ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie pour des consultations.
"Nous avions établi une relation de confiance avec l'Australie. Cette confiance a été trahie", a déploré jeudi le ministre fran?ais de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qualifiant l'accord trilatéral de "coup de poignard dans le dos".
L'accord trilatéral pourrait entra?ner de nouvelles dissensions entre les alliés transatlantiques, alors que la communauté internationale s'inquiète de la prolifération nucléaire.
ALLIE TRAHI
"A la demande du président de la République, j'ai décidé de rappeler immédiatement à Paris pour consultations nos deux ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie. Cette décision exceptionnelle est justifiée par la gravité exceptionnelle des annonces effectuées le 15 septembre par l'Australie et les Etats-Unis", a déclaré M. Le Drian dans un communiqué vendredi.
Selon les médias fran?ais, c'est la première fois dans l'histoire de la France qu'une telle décision est prise à l'égard des deux pays.
La fin soudaine du contrat de défense, autrefois le plus important de l'histoire de l'Australie, a rappelé aux Fran?ais les caprices de la dernière administration américaine. "Le comportement américain m'inquiète ; cette décision unilatérale et brutale ressemble beaucoup à ce que faisait (l'ancien président américain) M. (Donald) Trump", a commenté M. Le Drian.
Les disputes publiques entre M. Trump et son homologue fran?ais, Emmanuel Macron, n'étaient pas inhabituelles sur des sujets allant des dépenses militaires au commerce en passant par le changement climatique et les questions régionales.
"Le choix américain qui conduit à écarter un allié et un partenaire européen comme la France d'un partenariat structurant avec l'Australie (...) marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter", ont affirmé M. Le Drian et la ministre fran?aise des Armées Florence Parly dans un communiqué conjoint publié mercredi.
"L'Amérique est de retour !" Le président américain Joe Biden avait répété ce slogan à plusieurs reprises pour combler les fossés existant outre-Atlantique, depuis sa première étape au Royaume-Uni pour le sommet du Groupe des Sept jusqu'à ceux de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord et de l'Union européenne à Bruxelles en juin.
DES DISCUSSIONS COMMERCIALES EN SUSPENS
Plus t?t dans la journée de vendredi, le secrétaire d'Etat fran?ais aux affaires européennes, Clément Beaune, a dit que la France ne pouvait pas faire confiance à l'Australie dans ses négociations commerciales en cours avec l'Union européenne (UE) après le dévoilement du partenariat AUKUS.
"Nous avons des négociations commerciales avec l'Australie", a-t-il confié à la cha?ne d'information France 24. "Je ne vois pas comment nous pouvons faire confiance à nos partenaires australiens".
L'UE et l'Australie avaient entamé en 2018 des négociations en vue d'un accord de libre-échange et mené leurs relations commerciales et économiques en vertu du cadre de partenariat UE-Australie de 2008.
Les deux parties ont achevé 11 cycles de discussions, et le prochain est prévu pour l'automne de cette année.
L'Australie était le 19e partenaire commercial de l'UE en 2020, et l'UE était le troisième partenaire commercial de l'Australie après la Chine et le Japon, suivi des Etats-Unis, selon les données de l'UE.
PROLIFéRATION NUCLéAIRE PRéOCCUPANTE
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), un organisme mondial de surveillance nucléaire, a exprimé son inquiétude au milieu des préoccupations internationales concernant la prolifération des matières et des technologies nucléaires en réponse à l'accord trilatéral.
"L'AIEA s'engagera avec eux (l'Australie, les états-Unis et le Royaume-Uni) sur cette question, conformément à son mandat statutaire et à leurs accords de garanties respectifs avec l'Agence", a-t-elle indiqué dans un communiqué jeudi.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni, tous deux des puissances nucléaires, sont des Etats parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui empêche la prolifération d'armes et technologies nucléaires.
La Chine a exprimé jeudi son opposition à cette initiative trilatérale, la décrivant comme un "acte pur de prolifération nucléaire".
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni "donneront clairement lieu à la prolifération des matériaux et des technologies nucléaires, en fournissant ouvertement une assistance à l'Australie - un Etat non doté d'armes nucléaires - dans ses efforts d'acquisition et de construction de sous-marins à propulsion nucléaire", a constaté Wang Qun, représentant permanent de la Chine auprès des Nations Unies et d'autres organisations internationales à Vienne.
"Un tel acte de prolifération nucléaire aura de graves répercussions négatives sur les efforts internationaux en cours pour résoudre la question nucléaire dans la péninsule coréenne ainsi que la question nucléaire iranienne", a-t-il ajouté.
La Nouvelle-Zélande a confirmé que les sous-marins nucléaires australiens seront interdits dans ses eaux et qu'elle maintiendra sa position de dénucléarisation.
"La position de la Nouvelle-Zélande concernant l'interdiction des navires à propulsion nucléaire dans nos eaux reste inchangée", a signalé jeudi la Première ministre du pays, Jacinda Ardern, au média local NewsHub.
"Alors que le monde s'efforce de rendre ces armes illégales, c'est la mauvaise direction à prendre au mauvais moment", a estimé le quotidien britannique The Guardian, citant Gem Romuld, directeur pour l'Australie de la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires, un groupe lauréat du prix Nobel de la paix.