Dernière mise à jour à 08h31 le 12/05
A l'heure où le Parlement européen (PE), réuni cette semaine en session plénière à Strasbourg, a débattu une nouvelle fois, mercredi, de la nécessité de réformer et d'harmoniser le droit d'asile européen, le nombre des réfugiés bloqués en Grèce s'élève toujours à près de 55.000, selon les chiffres du gouvernement repris dans la presse grecque.
Plus de deux mois après le "marché" entre Ankara et Bruxelles censé permettre une "meilleure gestion de la crise migratoire" semble déjà caduc.
L'Union européenne (UE) et la Turquie ont annulé leur rencontre bilatérale de haut niveau programmée pour le 13 mai lors de laquelle devait notamment être évoqué la question de la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs.
Le porte-parole du service diplomatique européen n'a pas précisé les causes de cette décision.
Des voix s'élèvent pour dénoncer les "promesses non tenues" des caciques de la politique européenne qui ont plaidé pour ce "marché de dupes" du 18 mars dernier entre la Turquie et l'UE. A commencer par le respect des procédures des demandes de droit d'asile qui jusqu'ici relève davantage de la théorie que de la pratique. A Thessalonique, par exemple, les services grecs n'ont la possibilité d'enregistrer que 25 à 30 demandes par jour.
Quant au plan adopté en septembre 2015 qui prévoyait de relocaliser sur deux ans 160.000 personnes, de Grèce et d'Italie essentiellement, huit mois après, il a permis de relocaliser jusqu'ici... à 1.441 personnes (565 venant d'Italie et 876 de Grèce), selon les chiffres fournis par l'Exécutif européen.
Le Représentant spécial du secrétaire général du Conseil de l'Europe pour les migrations et les réfugiés Tomas Bocek, dans un nouveau rapport publié, mercredi, à Strasbourg, sur la situation des réfugiés et des migrants en Grèce et dans "l'ex-République yougoslave de Macédoine" s'est par ailleurs déclaré "préoccupé par des informations faisant état de mesures de refoulement et par des allégations de mauvais traitements commis par les personnes qui gardent la frontière de "l'ex-République yougoslave de Macédoine".
"On ne peut pas comprendre la situation sauf si on est sur le terrain. Nous sommes face à une crise de réfugiés mais non pas face à une crise migratoire", dit à Xinhua Daniel Esdras, chef du bureau d'Athènes de l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Tandis qu'à Bruxelles et à Strasbourg, on donne dans la bataille linguistique autour de l'usage du terme de migrant ou de celui de réfugiés, dans le camp d'Idomeni, au nord de la Grèce, où sont encore bloqués plusieurs milliers de personnes dont de nombreux enfants et femmes, le personnel humanitaire s'alarme des risques d'une "bombe à retardement sanitaire" avec l'arrivée des températures estivales.
Sur un continent qui s'est progressivement transformé en forteresse, la poursuite du durcissement de la politique migratoire par de nombreux états membres ne fait guère de doutes. Elle ne relève pas d'un véritable problème logistique ou financier à faire face à l'arrivée des réfugiés mais répond plut?t à des considérations politiques guidées par des pressions internes et les égo?smes nationaux dans les Etats de l'UE au détriment des réfugiés mais aussi des valeurs revendiquées par l'UE et du droit international.
Selon les derniers chiffres communiqués par Bruxelles, depuis l'accord du 18 mars, quelque 135 personnes ont été réinstallées de Turquie vers les pays européens, essentiellement dans 4 pays : 54 en Allemagne, 34 en Suède, 31 aux Pays-Bas,11 en Finlande, ainsi que 5 en Lituanie (seul pays de l'Europe de l'Est à avoir entrepris la réinstallation).
Les moyens déployés ne sont clairement pas à la hauteur de l'urgence de la situation : seuls 63 interprètes (sur 470 demandés, soit 1/8e) et 67 experts en asile ont réellement été déployés en Grèce (sur 472 demandés, soit 1/8e). Sur les 30 magistrats demandés, pas un n'a été accordé jusqu'ici.
A la vue de ces chiffres comme au regard de l'état d'indigence du débat politique en Europe, le Vieux Continent, épinglé par Amnesty International dans son rapport 2015 pour sa gestion "honteuse" de la crise des réfugiés, fait figure d'un monde où la solidarité tant invoquée est une coquille vide. Pour remédier à cela, l'UE doit d'abord reconna?tre qu'elle se trouve face à une crise des réfugiés, non face à une crise migratoire, et respecter ses engagements et ses responsabilités.