Dernière mise à jour à 08h23 le 18/03
La modification par la commission des Lois du Sénat du texte adopté par l'Assemblée nationale sur la déchéance de nationalité menace le projet de réforme constitutionnelle qu'envisage le gouvernement fran?ais dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Le Sénat (majoritairement de droite) qui a entamé mercredi l'examen du projet de réforme de la Constitution, a pris "le contre pied" de l'Assemblée nationale qui a voté le 10 février dernier en faveur d'une déchéance de nationalité pour tous les fran?ais coupables d'atteinte grave à la vie de la Nation.
"Une personne peut être déchue de la nationalité fran?aise ou des droits attachés à celle-ci lorsqu'elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation", indique le texte voté par les députés après une vive polémique sur le sujet.
Mais l'amendement adopté mercredi par la Commission des Lois du Sénat indique que "la déchéance ne peut concerner qu'une personne condamnée définitivement pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation et disposant d'une autre nationalité que la nationalité fran?aise".
Les sénateurs retiennent ainsi la version initiale du texte, rejetée par la majorité de la gauche et une partie de la droite, à savoir la déchéance de nationalité pour les seuls binationaux. Le sénateur Philippe Bas (LR), président de la Commission des Lois a expliqué sur BFMTV, cette modification de la déchéance par le fait qu'"on ne peut pas créer d'apatrides".
"Beaucoup de fran?ais se disent, il faut déchoir les gens de leur nationalité fran?aise si ce sont d'affreux terroristes. Comme ?a on va pouvoir les envoyer ailleurs. Mais un apatride vous ne pouvez pas l'envoyer ailleurs", s'est justifié M. Bas.
En attendant le vote du texte prévu le 22 mars, cette position du Sénat annonce, selon plusieurs observateurs, un "échec" de la révision constitutionnelle. Car pour faire approuver cette révision constitutionnelle par le Congrès, l'Assemblée nationale et le Sénat doivent être d'accord sur le même texte. Et en cas de désaccord, après un retour à l'Assemblée nationale pour une seconde lecture, le projet de réforme pourrait être suspendu.
Une probabilité à laquelle le Premier ministre Manuel Valls a fait allusion en indiquant aux sénateurs que l'amendement de la Commission des Lois "ne sera jamais adopté par une majorité de députés".
"Je regrette profondément, à ce stade que cette construction collective ne puisse pas être confortée au Sénat. A l'Assemblée nationale nous avons cherché et construit un accord, au Sénat, en tout cas à ce stade, vous ne l'avez pas recherché et vous savez parfaitement que votre proposition ne sera jamais adoptée par une majorité de députés", a déclaré M. Valls mercredi face aux sénateurs lors de l'examen du projet de réforme constitutionnelle.
Selon le Premier ministre fran?ais, l'amendement adopté par la commission des Lois du Sénat "prend le contre pied du consensus et, je ne vois pas là, le respect de la parole du président de la République", a-t-il ajouté.
La réaction de certains députés socialistes comme Patrick Mennucci confirme les craintes de Manuel Valls. Dans un communiqué, M. Mennucci a indiqué que le texte du Sénat "est inacceptable et ne sera pas accepté par l'Assemblée nationale (...) Avec le texte qu'ils viennent de voter, les sénateurs de droite démontrent qu'ils préfèrent l'ostracisation et la stigmatisation d'une partie de nos compatriotes".