Le Premier ministre grec Alexis Tsipras n'a d'autre choix que de plaider comme il l'a fait mercredi devant le Parlement européen réuni à Strasbourg pour un "compromis honorable" dans le bras de fer qui oppose son gouvernement aux institutions européennes.
Après l'ultimatum lancé mardi à Bruxelles par la Tro?ka (Conseil européen, Commission européenne et FMI), le chef du gouvernement hellène a annoncé qu'il présenterait sous 48 heures une série de mesures concrètes et qu'il avait envoyé une demande au Mécanisme européen de stabiliité (MES) de nouveau programme d'aide.
Alors que les banques grecques sont toujours fermées et que l'angoisse tétanise le pays, le temps presse. Aux représentants des institutions européens qui lui reprochent de ne pas mettre en ?uvre des réformes sur le champ, il répond que son gouvernement n'est en fonction que depuis cinq mois et demi, alors que les plans d'austérité présentés comme la solution à la crise se succèdent depuis plus de cinq ans.
Comment en effet expliquer l'ampleur de la catastrophe actuelle par la seule politique menée pendant le premier semestre 2015?
Depuis le début de la crise de la dette en mars 2010, la Grèce, plus que tout autre pays européen, a subi une cure d'austérité particulièrement brutale. Le niveau de vie est redescendu à celui de 2008, le ch?mage a explosé, la croissance est en berne, le tourisme, secteur clé de l'économie grecque, est notablement affecté, tandis que la paupérisation gagne chaque jour une frange plus large de la population.
Dans de telles conditions, Alexis Tsipras, plébiscité par plus de 60% des citoyens grecs qui ont rejeté par référendum dimanche les dernières propositions des créanciers, a raison de demander un programme soutenable afin d'être en mesure d'honorer la dette et de ne pas être obligé d'emprunter sans cesse pour financer les intérêts de celle-ci.
Le chef du gouvernement grec a d'ores et déjà annoncé ses priorités. A savoir la lutte contre le règne des oligarchies et des cartels, le combat contre la fraude et l'évasion fiscale, la modernisation de l'Etat. De gros chantiers qui, pour être menés à bien, nécessitent un soutien effectif de ses partenaires européens.
Les négociations, cette semaine, entre Athènes et Bruxelles, avant le sommet de dimanche, pourraient bien être cette fois-ci celles de la dernière chance. Elles doivent ouvrir la voie vers un engagement solide à trouver une solution durable à la crise de la dette grecque, mais aussi au problème de la dette de plusieurs autres pays européens comme le Portugal, l'Espagne, l'Italie ou encore la France.
Ce que l'on a en effet coutume d'appeler la crise grecque est en fait une crise à l'échelle européenne. Nombre de députés européens relèvent d'ailleurs qu'elle traduit l'incapacité de l'UE à trouver une solution à la question des dettes publiques dans leur ensemble. Rares sont ceux qui doutent encore des conséquences d'un éventuel "Grexit" pour le Vieux continent et de l'effet domino que risquerait de provoquer une banqueroute de la Grèce.
Des parlementaires fran?ais ont d'ailleurs lancé un appel mercredi pour une restructuration de la dette grecque, reprenant la thèse de l'économiste Thomas Piketty. Pour l'auteur du best-seller "Le capital au XXIe siècle", "il faut trouver un accord de toute fa?on". "Chacun doit y mettre du sien pour que la Grèce s'en sorte. L'intransigeance, l'idéologie et le nationalisme nous conduiraient vers une catastrophe. L'idée que l'on va retrouver son argent en asphyxiant le débiteur est une idée folle", explique-t-il.
L'économiste fran?ais n'est pas le seul à plaider pour un effacement de la dette grecque en suivant l'exemple allemand de 1953, une question sensible au pays d'Angela Merkel. Lors de la Conférence de Londres qui avait alors réuni les Alliés de la Seconde guerre mondiale, les négociateurs s'étaient mis d'accord pour réduire de 60% la dette allemande, une dette alors bien plus élevée que celle de la Grèce d'aujourd'hui puisqu'elle atteignait 200% du PIB.
En fait, ce que l'on appelle en Europe "le miracle économique" allemand n'aurait pas eu lieu sans l'effacement de cette dette. Il y a toutefois lieu de rappeler que l'Allemagne de 1945 n'est pas la Grèce de 2015, avec des millions de tués et de déplacés et les grandes villes et infrastructures réduites à néant.
Le peuple grec ne demande d'ailleurs pas un miracle et a bien conscience des réformes à entreprendre. Mais Athènes doit pouvoir compter sur les dirigeants européens pour qu'ils mettent à nouveau en pratique l'esprit des Pères fondateurs de l'Union européenne et le principe de solidarité.