Le dernier rapport du Sénat américain révélant les actes de torture commis par la CIA (Agence centrale du renseignement américain) pendant ses interrogatoires a suscité de vives critiques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.
La CIA a trompé à maintes reprises le public, le Congrès et la Maison Blanche sur ses méthodes d'interrogatoires brutales et sur ses actes de torture à l'égard des détenus après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, selon le rapport publié mardi par la Commission du renseignement du Sénat.
La CIA a minimisé la brutalité de ses interrogatoires et exagéré l'utilité des informations obtenues, y compris leur r?le dans l'organisation du raid américain qui a permis de tuer le chef d'Al-Qa?da, Oussama ben Laden, selon le rapport.
Le document de quelque 6.000 pages indique également que les "techniques d'interrogatoire renforcées" avait échappé à tout contr?le efficace de la part de personnes extérieures depuis leur mise en place en 2002. Des rapports de la CIA ont montré que le président d'alors, George W. Bush, n'avait pas été pleinement informé par l'Agence des techniques d'interrogatoire faisant appel à la torture avant 2006.
Le rapport énumère des actes de torture tels que la simulation de noyade, les menaces d'agression sexuelle et d'autres méthodes controversées dont se servait la CIA pour obtenir des informations, et indique que ces techniques étaient largement inefficaces et mal gérées.
Certains détenus ont été maintenus éveillés jusqu'à 180 heures, soit plus de 7 jours, généralement en posture figée ou stressante. Les agents ont mené leurs interrogatoires au mépris des besoins médicaux des détenus, dont certains étaient blessés par balles. Certains détenus ont également été placés dans des "bains" d'eau glacée.
Les conditions des sites de détention de la CIA étaient mauvaises. Les détenus d'un centre de détention appelé "COBALT" ont été maintenus dans l'obscurité totale et le froid a probablement conduit au décès d'un détenu, selon le rapport.
La Maison Blanche et le président américain Barack Obama ont soutenu la décision de publier le rapport, malgré la mise en garde de certains députés et fonctionnaires de l'administration contre les réactions violentes que cela susciterait à l'égard des Américains.
Dans un communiqué, M. Obama a indiqué que les techniques d'interrogatoires de l'ère Bush avaient "gravement porté atteinte à la réputation des Etats-Unis dans le monde et avaient entravé la poursuite de nos intérêts avec nos alliés et nos partenaires".
"Ces méthodes brutales étaient non seulement irrespectueuses des valeurs de notre nation, mais elles n'ont pas non plus contribué à nos efforts de lutte contre le terrorisme ni à nos intérêts de sécurité nationale", a-t-il estimé.
Le sénateur républicain John McCain a jugé que les méthodes d'interrogatoire brutales avaient peu contribué à renforcer la sécurité des Américains et que ces méthodes avaient permis d'obtenir plus de mauvaises informations que de bons renseignements.
Anthony Romero, directeur exécutif de l'Union américaine de défense des libertés (ACLU), a qualifié le rapport de "choquant". "Il est impossible de le lire sans se sentir considérablement outragé que notre gouvernement se soit livré à ces crimes terribles", a-t-il déclaré, avant d'ajouter : "Les responsables du gouvernement qui ont autorisé des activités illégales doivent répondre de leurs actes".
La communauté internationale a également exprimé sa consternation.
Le Premier ministre britannique David Cameron a déclaré que l'usage de la torture et d'autres violations des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme était en fin de compte contre-productif.
"Soyons clairs : la torture est mauvaise. La torture est toujours mauvaise", a martelé M. Cameron lors d'une conférence de presse à Ankara, où il a rencontré des responsables turcs.
"Ceux d'entre nous qui veulent un monde plus s?r veulent que l'extrémisme soit vaincu. Nous ne pourrons réussir si nous perdons notre autorité morale", a-t-il souligné.
Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme et l'anti-terrorisme, Ben Emmerson, a noté que le rapport avait révélé une "politique claire orchestrée à un haut niveau au sein de l'administration Bush" et a demandé l'engagement de poursuites judiciaires contre les responsables.