Cette année, les prix internationaux du pétrole ont fortement monté avant de retomber, donnant naissance à un marché en forme de montagnes russes. Au premier semestre de cette année, du fait des données économiques américaines et européennes encourageantes mais aussi de l’influence des conflits régionaux, les prix du pétrole ont grimpé à 107,73 Dollars US le baril, leur niveau le plus élevé de l'année. Depuis lors, les prix de l’or noir n’ont cessé de baisser.
Ce qui se cache derrière cette dégringolade des prix du pétrole, c’est la faiblesse soutenue de la demande et l'expansion des capacités de production. Depuis la crise financière internationale, la croissance économique mondiale est atone, ce qui a conduit à une demande en pétrole brut plus faible, et on s’attend encore à une baisse de celle d’un certain nombre d'organismes internationaux cette année et l’année prochaine. Le dernier rapport mensuel publié par l'Agence Internationale de l'Energie prévoit ainsi que, lors du premier semestre de 2015, la consommation mondiale de pétrole journalière moyenne sera inférieure à celle du second semestre de cette année, et si l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) maintient sa production actuelle, le marché du pétrole comptera un excédent d’1,1 million de barils par jour.
Dans un contexte de demande saturée, l'OPEP continue cependant à maintenir un rendement élevé. Ainsi, de juillet à septembre de cette année, la production journalière de l'OPEP a atteint son plus haut niveau en un an au cours de la première moitié de septembre. Bien que l'organisation prévoie de réduire sa production de 500 000 barils par jour l'an prochain, il sera quand même bien difficile de parvenir à un accord assurant une baisse des prix en raison des exigences et des intérêts divergents des états membres.
Dans le même temps, les états-Unis, grand pays consommateur d'énergie, ont vu leur production et leur capacité d'exportation de pétrole continuer à augmenter. En septembre de cette année, leur production quotidienne moyenne a atteint 870 millions de barils, le niveau plus élevé depuis juillet 1986, et elle devrait atteindre 950 millions de barils l'an prochain. De ce fait, le schéma commercial pétrolier américain s’est inversé, et les Etats-Unis ont fortement réduit leurs importations tandis que leurs exportations ont augmenté rapidement. Au cours des neuf premiers mois, les importations américaines journalières moyennes nettes de pétrole brut n’ont pas dépassé la moitié de ce qu’elles étaient il y a 10 ans, et actuellement, au sein de la nouvelle offre mondiale de pétrole, environ un tiers vient des états-Unis.
L’indépendance énergétique croissante des Etats-Unis va sans aucun doute renforcer leurs capacités en matière de négociations politiques entre grands pays. Selon un rapport publié par la Banque Nationale Suisse, sur la base du prix estimé d’un baril, le pétrole le moins cher est celui de l'Arabie Saoudite, à 7 Dollars US ; le pétrole russe se monte à 30 Dollars US, et de 125 Dollars US pour le pétrole des zones polaires. Le pétrole américain co?te quant à lui 59 Dollars US pour celui qui est extrait en haute mer, et à 75 Dollars US pour le pétrole de schiste. Dans un contexte de prix internationaux du pétrole à 85 Dollars US le baril, les gains ou les pertes des différents pays apparaissent de fa?on évidente. Si les prix du pétrole continuent à baisser, non seulement l'économie russe, très dépendante des exportations énergétiques, subira une forte pression, mais cela portera également gravement atteinte aux intérêts de l'Iran et d'autres pays en désaccord avec les états-Unis. De ce point de vue, il semble bien difficile d’exclure toute considération politique derrière les récents soubresauts des prix internationaux du pétrole.
Du point de vue du marché, lors des deux prochaines années, le marché mondial du pétrole va passer d’une offre insuffisante à un léger excédent, mais en même temps, le renchérissement du Dollar va peser davantage sur les prix des matières premières, y compris le pétrole, ce qui devrait faire remonter les prix de celui-ci par ricochet. Cependant, en même temps, face aux attentes futures en matière d’offre et de demande, le marché a apporté une réponse relativement adéquate, ce qui devrait permettre de limiter une nouvelle baisse des prix du pétrole.
Le pétrole est le plus important des produits énergétiques de base, et il représente désormais 30% de la consommation mondiale d'énergie. Les variations de son prix ont un impact significatif sur celui des autres matières premières et des autres sources d'énergie, sur leur co?t de production et sur l'économie mondiale. Mais en même temps, le fait que les pays importateurs de pétrole et les consommateurs profitent de prix abordables veut aussi dire que la croissance économique mondiale réelle globale reste faible, et que la poursuite de prix bas risque aussi d’exposer l'économie mondiale qui n’a pas vraiment récupéré à des risques de déflation. Cela veut dire qu’un marché du pétrole stable et prévisible serait vraiment bénéfique à la prospérité à long terme de l'économie mondiale.