Dernière mise à jour à 08h18 le 29/06
Les Etats-Unis devraient exhorter les Philippines à reprendre les négociations avec la Chine pour régler leurs différends territoriaux en mer de Chine méridionale, estime Abraham Sofaer, ancien conseiller juridique au Département d'Etat américain.
Lors d'un séminaire tenu dimanche à La Haye, M. Sofaer a indiqué que les partisans de la procédure arbitrale initiée par les Philippines, y compris les Etats-Unis, croient que l'action contre la Chine est justifiée par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) et permettra de faire progresser le rayonnement et l'efficacité du droit international. Or, pour lui, ce litige cause plus de tort que de bien.
Les Philippines ont unilatéralement saisi la Cour permanente d'arbitrage (CPA) à propos de ce différend en mer de Chine méridionale. La Chine soutient que ce tribunal n'est pas compétent puisqu'il s'agit d'une affaire ayant trait à des questions de souveraineté territoriale et de démarcation maritime.
M. Sofaer, ancien juge fédéral américain et expert en droit international, a souligné que l'un des problèmes majeurs de cette affaire concerne la compétence de la CPA. Selon la CNUDM, un tribunal arbitral ne peut pas juger des conflits concernant la souveraineté.
Par conséquent, il est simpliste et erroné de supposer que la Chine acceptera de se soumettre à cet arbitrage basé sur les allégations des Philippines, a-t-il poursuivi.
M. Sofaer, 78 ans, a été professeur à la Faculté de droit de l'Université de Columbia avant d'occuper le poste de conseiller juridique au Département d'Etat américain de 1985 à 1990. Il est actuellement chercheur principal en politique étrangère et affaires de sécurité nationale à l'Institut Hoover de l'Université de Stanford.
Citant en exemple des différends territoriaux entre les Etats-Unis et le Canada, il a également remis en question la légitimité de la procédure philippine, estimant que la notion selon laquelle des différends frontaliers de ce genre ont des dates limites, ou devraient en avoir, n'a aucun fondement en droit international et ne correspond pas aux réalités des relations internationales.
En tant qu'ancien conseiller juridique au Département d'Etat américain, il dit avoir découvert que les Etats-Unis avaient eu dix différends frontaliers distincts avec le Canada remontant à la Guerre anglo-américaine de 1812, soulignant que seuls deux d'entre eux ont été soumis à un arbitrage avec le consentement des deux parties.
La Chine gère ces différends frontaliers de manière très professionnelle et approfondie, a indiqué M. Sofaer. "Donc, je pense que ce serait manquer de vision que de supposer qu'il n'existe aucun espoir pour la diplomatie multilatérale en matière de différends maritimes".
"Les conséquences réelles de l'affaire des Philippines sont déjà gravement préjudiciables aux intérêts de toutes les parties et elles risquent de s'aggraver", a-t-il averti.
Selon lui, entra?ner des Etats dans un arbitrage contraignant sur des questions hautement politiques, alors que leur refus est légitime, sape toute perspective de développement d'un droit international efficace.
Il a estimé que les Etats-Unis pourraient jouer un r?le constructif dans le règlement des conflits dans la région plut?t que d'appeler la Chine de manière répétée à soutenir "l'Etat de droit."
"Les USA devraient exhorter le gouvernement philippin à atténuer les dommages causés par ce contentieux", a-t-il dit. "Les Philippines devraient revenir à la table des négociations avec la Chine, au lieu de continuer de chercher des 'victoires' devant un tribunal incapable de faire appliquer ses décisions".