A la tête d'une importante délégation de ministres, parlementaires et hommes d'affaires, le président fran?ais Fran?ois Hollande sera en Tunisie à partir de jeudi 4 juillet pour une visite d'Etat, la première d'un chef d'Etat fran?ais après la révolution tunisienne du 14 janvier 2011.
D' après les deux présidences tunisiennes (République et gouvernement), cette visite se veut une opportunité d' exprimer la volonté commune des deux pays de consolider les relations bilatérales et récupérer la densité et la diversification d'une coopération économique ralentie dans les deux dernières années.
Après des déplacements intensifs (une trentaine) durant l' année de la révolution (2011) de hauts responsables fran?ais en Tunisie, le flux de ces visites a remarquablement régressé en 2012. Du c?té tunisien, le président Moncef Marzouki a marqué son premier passage officiel à Paris il y a environ un an (17-19 juillet 2012).
La visite de M. Marzouki a été précédée par celle du chef du gouvernement sortant Hamadi Jebali effectué le 28 juin 2012 sur invitation de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises fran?aises. En 2013, le président de l' Assemblée constituante tunisienne Mustapha Ben Jaafar était accompagné du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Chedly Ayari pour participer en France au forum "Investir en Tunisie".
PREMIER PARTENAIRE ECONOMIQUE DE LA TUNISIE
Malgré la perte d' une partie de sa part d' investissement à la lumière de l' ouverture de l' économie tunisienne sur d' autres marchés émergents comme la Turquie et les pays golfiques précisément le Qatar, la France détient encore le leadership des partenaires stratégiques de la Tunisie en matière d' échanges commerciaux et d' investissements hors énergie.
En effet, les statistiques officielles prouvent l' existence de quelques 1 269 entreprises fran?aises ou encore à participation fran?aise sur le sol tunisien soit 40% des entreprises étrangères installées en Tunisie pour un volume d' investissement de 2 149 millions de dinars (1 293 millions USD) favorisant 123 mille emplois, l' équivalent de 35% des emplois générés par les investissements directs étrangers (IDE).
Mis à part son statue de premier partenaire commercial, la France se veut également le premier fournisseur de la Tunisie avec une part de marché de 18,9% et le premier client bénéficiant de 28,7% des exportations tunisiennes.
Dans l' autre sens, la Tunisie ne représente que 0,9% des exportations fran?aises pour ainsi se classer 23e sur la liste de la clientèle de l' Hexagone et 24e sur celle de ses fournisseurs. Des indicateurs jugés par des experts économiques tunisiens comme "pas négligeables" vu la taille géographique et le poids démographique de la Tunisie.
Sur le plan financier, la France avait déjà réservée en 2011 une aide à la Tunisie d' une valeur estimée à 350 millions d' euros dont une tranche sous forme d' appui budgétaire. De plus, 185 millions d' euros ont été déjà débloqués par l' administration fran?aise en faveur de la Tunisie. Mieux encore, le président Fran?ois Hollande avait promis de convertir une part de la dette tunisienne en projets de développement.
Les problèmes d' ordre sécuritaire et socioéconomique accompagnant la révolution tunisienne ont affecté directement le flux des touristes fran?ais à destination de la Tunisie bien que la France demeure le principal marché émetteur de touristes.
TENSION DIPLOMATIQUES SUITE A L'ASSASSINAT D'UN OPPOSANT TUNISIEN
En février dernier et à la veille de l' assassinat par balles de l' opposant anti-islamiste tunisien Chokri Bela?d tout près de son domicile dans le grand-Tunis, le gouvernement tunisien à majorité islamiste a peu apprécié des déclarations de certains responsables fran?ais.
"La France doit soutenir les démocrates pour que les valeurs de la révolution du jasmin (connotation à la révolution tunisienne) ne soient pas trahies", a déclaré le ministre tunisien de l' Intérieur Manuelle Valls après l' assassinat de Chokri Bela?d. Le ministre fran?ais a également confié à la station Europe 1 qu' "il y a un fascisme islamique qui monte un peu partout" en Tunisie comme en Egypte affirmant que son pays "ne coopéra jamais quand il s' agit de réprimer un peuple".
Des déclarations jugées à l' époque par le gouvernement tunisien de Hamadi Jebali comme "préoccupantes, inamicales" et qui nuisent aux relations bilatérales entre les deux pays. Cependant, "les déclarations du président Hollande et son ministre des Affaires étrangères sur le meurtre de Chokri Bela?d étaient équilibrées", comme l' avait avoué l' ex-chef de diplomatie tunisienne Rafik Abdessalem.
Pire encore, l' intervention fran?aise au nord du Mali menée en janvier 2013 a été à l' origine d' une vague de dénigrement auprès d' une frange de la société tunisienne. Lors du deuxième anniversaire de la révolution tunisienne célébré le 14 janvier dernier, des extrémistes religieux ont brulé un drapeau fran?ais lors d' une manifestation face à l' ambassade de France en pleine capitale tunisienne.
LA FRANCE ABRITE LA PLUS GRANDE COMMUNAUTE TUNISIENNE
En situation régularisée et régulière, quelques 649 234 ressortissants tunisiens se trouvent sur le territoire fran?ais. En retour, environ 30 000 personnes composent la communauté fran?aise en Tunisie.
Depuis 2008, environ 2 700 personnes bénéficiaient annuellement d' un accord-cadre signé entre les deux pays portant sur la gestion concertée de la migration et le développement solidaire. Toutefois, ce chiffre ne reflète pas les attentes communes soit un quota annuel de 9 mille emplois.
Actuellement, des mutations que connait le paysage socioéconomique, politique, sécuritaire voire même culturel semblerait être à l' ordre du jour de la visite d' Etat de Fran?ois Hollande lors de ses réunions avec son homologue Moncef Marzouki au palais présidentiel de Carthage et avec le Chef du gouvernement Ali Laarayedh au palais du gouvernement.
Le président de la République fran?aise "devrait aborder des questions essentielles en matière de droits humains lors de ses rencontres les 4 et 5 juillet 2013", a déclaré récemment Eric Goldstein directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l' organisation mondiale Human Right Watch.
"Le président Hollande", a ajouté Eric Goldstein, "devrait user de l' influence de la France comme partenaire économique-clé et comme allié stratégique, pour faire pression sur la Tunisie pour qu' elle protège la liberté d' expression".
Attendue depuis plus cinq mois, le passage du président fran?ais en Tunisie constitue, selon certains et médias et observateurs locaux, comme étant une réconciliation entre les deux peuples dont les relations ont connu certaines perturbations sur fond soit politique soit idéologique et culturel.