Des éducateurs viennent de faire part de leurs préoccupations quant aux exigences d'admission sévères dans les écoles primaires de Beijing, affirmant que cette initiative a écarté de nombreux enfants de travailleurs migrants des salles de classe.
Dans la capitale, qui compte une population de 8 millions de migrants, les enfants sans hukou de Beijing –le fameux certificat d'immatriculation des ménages- n'ont le droit de fréquenter les écoles primaires que si leurs parents présentent cinq types de documents.
Cette année, les autorités éducatives de district ont ajouté de nouvelles conditions préalables à l'admission.
Les documents nécessaires sont ceux prouvant que les parents ou tuteurs travaillent à Beijing et y vivent, les livrets d'enregistrement des ménages de tous les membres de la famille, les permis de séjour temporaire des parents à Beijing, et tout document prouvant que les enfants ne peuvent pas être pris en charge dans l'endroit où leur hukou est enregistré.
Mais certains districts de la capitale ont ajouté leurs propres exigences. La commission de l'éducation du district de Changping, par exemple, exige ainsi que les permis de séjour temporaire des parents aient été émis avant le 31 décembre 2013, et qu'ils soient valables quand ils voudront inscrire leurs enfants dans une école primaire. Les permis de Beijing sont valables pour un an.
Une femme du nom de Wang, qui vit dans le district de Changping, a ainsi déclaré que, après que son permis précédent ait expiré en janvier, elle en a demandé un nouveau au mois de mai. Cela a eu pour conséquence que son fils de 6 ans n'est pas admissible.
Mme Wang a précisé qu'elle a vit à Beijing depuis plus de 10 ans et que sa famille y a acheté un logement en 2003.
? J'ai surveillé de près la politique d'admission, mais je ne m'attendais pas un changement aussi brusque ?, dit-elle.
? Si cette nouvelle politique ne change pas, je vais devoir renvoyer mon fils dans la Province du Henan et demander à mes parents, qui vivent avec nous maintenant à Beijing, d'y retourner pour prendre soin de lui ?, a-t-elle ajouté.
De son c?té, une commission de l'éducation du District de Tongzhou a demandé l'année dernière aux parents de présenter des documents montrant qu'ils ont cotisé à l'assurance de sécurité sociale à Beijing, et elle a encore renforcé ses exigences cette année.
Les parents doivent ainsi prouver qu'ils ont continuellement versé des cotisations au programme d'assurance de janvier 2013 à mars 2014.
Lin Feng, originaire de la Province du Shandong, a déclaré que pour répondre à ces exigences, son mari a changé de travail pour une entreprise qui participe au système d'assurance de sécurité sociale, mais qu'il n'a commencé à contribuer au système qu'en mai.
? J'ai quitté mon emploi après la naissance de ma fille à la fin de 2007 pour prendre soin d'elle, et je pensais chercher un travail après son entrée à l'école, mais je ne m'attendais pas a ce que la situation soit comme ?a ?, a dit cette femme agée de 39 ans.
? Si ma fille ne peut pas entrer dans une école de Beijing, ma famille sera séparée. Je devrai retourner dans ma ville natale avec ma fille ?, a-t-elle ajouté.
On ne sait pas combien d'enfants migrants seront affectés par le changement de politique.
Seize enseignants et chercheurs ont signé un appel sur Internet le 21 mai, appelant les autorités de l'éducation de Beijing à abroger ces restrictions.
Dans leur appel, ils soulignent que, pour eux, ces restrictions sont contraires à la Constitution et à la loi sur l'enseignement obligatoire, qui dispose que tout citoyen a le droit et l'obligation de recevoir une éducation, et que les autorités locales doivent offrir aux enfants l'égalité des chances de recevoir une éducation obligatoire s'ils choisissent d'étudier à l'endroit où leurs parents ou tuteurs vivent ou travaillent.
Selon eux, ces restrictions se traduiront par de nombreux ? enfants laissés-pour-compte ?, qui souffrent souvent de problèmes psychologiques du fait qu'ils grandissent sans vivre avec leurs parents.
Un manque de ressources
Mais de leur c?té, les autorités de l'éducation ont souligné qu'elles avaient leurs propres difficultés.
Selon une émission de la station de radiodiffusion populaire de Beijing, les responsables des bureaux de l'éducation des districts de Haidian et Changping ont déclaré que les ressources éducatives de leurs districts ne sont pas en mesure de répondre aux besoins de tous les nouveaux élèves cette année.
Environ 176 000 enfants sont censés entrer à l'école primaire à Beijing cette année, soit 10 000 de plus qu'en 2013, a ainsi précisé Xian Lianping, Directeur de la Commission de l'éducation de Beijing.
M. Xian a précisé à la station de radio que tous les enfants peuvent être admis à l'école sur la base des ressources pédagogiques calculées dans la ville. Mais il n'a pas dit si les enfants de migrants sont inclus ou non dans le calcul.
Tian Feilong, professeur de droit à l'Université de Beihang, un des chercheurs qui ont signé l'appel, estime qu'il est possible que ce changement de politique d'admission soit d? au nombre limité de places dans les écoles de Beijing.
? Cette politique peut être une mesure à court terme pour résoudre le problème en 2014, mais elle ne doit pas être utilisée sur une base permanente?, a-t-il déclaré.
Liu Lianjun, professeur agrégé de droit à l'Université normale de Hangzhou, pense pour sa part que les familles des migrants qui travaillent dans les industries bas de gamme seront les plus durement touchées par ces mesures de restriction.
Selon M. Liu, ? Ces parents ont des revenus très faibles et n'ont pas les moyens d'accéder aux écoles privées, et ils ne disposent pas de réseaux sociaux solides pour les aider à résoudre les difficultés de scolarisation de leurs enfants ?.
? La seule solution qui s'offre à eux est de renvoyer leurs enfants vers leur ville natale pour vivre avec leurs grands-parents, qui n'ont pas assez de temps pour prendre soin d'eux, car beaucoup doivent travailler à la ferme ?.