Dernière mise à jour à 08h33 le 23/12
(Xinhua/Ye Pingfan) |
L'Europe a d? faire face cette année à la plus grande vague d'immigration de son histoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Devant ce défi posé au principe de libre circulation au sein de l'Union européenne, garanti par la Convention de Schengen, certains pays membres se sont vus contraints de réinstaurer des contr?les à leurs frontières.
Selon l'Organisation internationale pour les migrations, près d'un million de migrants sont arrivés sur les c?tes européennes par voie de mer au cours de l'année 2015. Eurostat, l'Office statistique de l'Union européenne, a pour sa part recensé 980.000 demandes d'asile dans l'ensemble des pays membres cette année.
"C'est une crise hors du commun", note dans une interview à Xinhua l'ancien conseiller de la Commission européenne Etienne Reuter. "L'ordre de grandeur (de cette crise) est extrême. L'Union européenne et les pays membres qui la composent sont confrontés à des défis sans précédent".
En septembre dernier, la Commission a mis au point un mécanisme de répartition des réfugiés, en fixant à chaque pays membre un quota du nombre de migrants dont ils doivent s'accommoder. Le quota le plus élevé a été attribué à l'Allemagne, devant la France, l'Espagne, la Pologne et les Pays-Bas.
Les chefs d'Etat et de gouvernement européens se sont réunis à Bruxelles le 17 décembre pour débattre de cette crise. De sérieuses interrogations demeurent quant à l'évolution de cette situation hors du commun et sur ce que l'avenir réserve à ceux qui font le choix de quitter leur pays pour rejoindre l'Europe.
REACTION DES GOUVERNEMENTS
Même si l'Allemagne est le pays le plus sous pression, tous les pays membres voient leurs politiques migratoires et leurs capacités à traiter les demandes d'asile mises à rude épreuve devant l'afflux massif de personnes.
La Belgique, par exemple, a été confrontée à son plus grand retard de traitement de demandes d'asile depuis quinze ans, avec plus de 1.000 demandes déposées rien qu'au cours des deux premières semaines de décembre.
La situation est devenue suffisamment critique pour que le ministre de l'Asile et des Migrations, Theo Francken, lance une campagne sur les réseaux sociaux demandant aux Afghans et aux Irakiens de ne plus essayer de rejoindre la Belgique, leurs chances d'obtenir l'asile étant très réduites.
Entre temps, le gouvernement britannique a promis d'accueillir 20.000 réfugiés syriens d'ici à 2020. Parmi eux, 1.000 sont déjà parvenus au Royaume-Uni juste à temps pour No?l.
Le cadre légal est dicté par la Convention de Dublin, adoptée en 1990 et amendée en 2003. Pour Etienne Reuter, "accueillir les réfugiés est une obligation légale et morale pour l'Union européenne, mais il faut faire une distinction entre réfugiés politiques et migrants économiques. L'UE doit faire preuve d'unité, de générosité et de solidarité afin d'assurer le respect du droit international".
LE GROS PROBLEME DE L'INTEGRATION
Le juriste luxembourgeois estime que l'Europe a "la capacité d'absorber un grand nombre de réfugiés", mais il dit également qu'il y a chez certaines personnes une "part de peur, qui s'est intensifiée après les attaques à Paris" alors que l'on découvrait que certains auteurs des attentats s'étaient mêlés au flux de réfugiés partis pour l'Europe.
"Nous devons faire de gros efforts pour combattre cette peur", convient-il.
Mais que peut-on faire pour aider les réfugiés à s'intégrer dans leur nouveau foyer d'adoption européen? Un point crucial : les aider à trouver du travail. Selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), près de la moitié des personnes qui sont arrivées en Grèce après avoir fui les conflits en Syrie ont suivi une formation universitaire.
Dans certains secteurs, il y a justement une demande pour davantage de main d'?uvre et celle-ci pourrait être comblée par la nouvelle vague d'arrivées.
Ainsi, plusieurs secteurs de Flandre belge -la moitié septentrionale néerlandophone du pays- ont exprimé leur intérêt pour offrir du travail aux réfugiés syriens. C'est le cas du secteur du batiment et travaux publics (BTP) qui se démène depuis plusieurs années pour trouver la main d'?uvre dont il a besoin.
"On découvre que parmi ces réfugiés, il y a des personnes qui ont un niveau d'éducation élevé et des compétences techniques", a confié un porte-porte de l'industrie du BTP. "Beaucoup d'entre eux parlent déjà anglais, ce qui rend l'intégration plus facile".
Etienne Reuter approuve : "Ce qui devrait être central pour permettre l'intégration des réfugiés au sein des pays européens, c'est la possibilité pour eux de trouver un travail et de gagner leur vie par leurs propres moyens plut?t que de vivre grace aux aides sociales. C'est aussi une question de dignité".
Certains pays, dont la Belgique, où des débats sur les questions de migration ont eu lieu la semaine dernière, ont présenté un programme obligatoire d'intégration destiné aux nouveaux migrants qui arrivent dans le pays. Ces programmes comprennent des conseils d'aide sociale, des cours de citoyenneté, une aide pour trouver et exercer un emploi et des cours de langue.
"Il semble légitime et approprié de transmettre un message aux réfugiés qui arrivent dans nos pays, les invitant à faire preuve de discrétion quant à leur religion et leurs coutumes. Mais il faut aussi transmettre un message de tolérance aux populations qui vont accueillir ces migrants", juge M. Reuter.
ET APRES ?
Pour certains migrants en revanche, la réalité du pays d'accueil ne correspond pas toujours aux attentes. De nombreux pays ont mis en place un système de retour volontaire pour les demandeurs d'asile qui souhaitent abandonner leurs démarches d'obtention du statut de réfugié et retourner dans leur pays d'origine.
Qu'est-ce qui peut motiver une personne qui a voyagé aussi loin et dans des conditions si dangereuses à vouloir faire demi-tour?
Un migrant afghan l'a récemment expliqué au journal belge Le Soir : "Je rentre pour des raisons familiales, mais aussi parce que je suis dé?u de l'accueil que j'ai re?u. J'ai dormi trois nuits dehors avant de pouvoir me rendre à l'Office des étrangers. La procédure est tellement longue".
Pour 2016, quatre milliards d'euros ont été alloués au budget de l'UE pour faire face à la crise des réfugiés aussi bien au sein de l'UE que dans les pays d'origine des migrants. Si l'on combine les années 2015 et 2016, cela représente un financement de près de dix milliards d'euros.
Par ailleurs, le HCR et la Commission européenne ont récemment lancé un programme qui permettra la création de 20.000 places d'accueil supplémentaires en Grèce. La traversée de la Méditerranée est semée d'emb?ches et les risques de naufrage sont réels. Pourtant, des réfugiés continuent d'affluer quotidiennement sur les c?tes grecques.
Cette crise, qui met l'Europe à rude épreuve depuis plus d'un an, ne semble pas près d'arriver à son terme.