Face à la multiplication des tentatives de passage des migrants de Calais (principale ville fran?aise de liaison avec la Grande-Bretagne) via l'Eurotunnel pour gagner le Royaume-Uni, les autorités fran?aises et britanniques ont décidé de renforcer les mesures sécuritaires déjà existantes.
Mais cette escalade sécuritaire ne servira à rien selon plusieurs organisations et spécialistes de l'émigration, qui exigent l'ouverture de centre d'accueil et la prise en charge des migrants dont la plupart sont des réfugiés de guerre.
Depuis le 1er juin, une dizaine de migrants de Calais ont trouvé la mort en montant sur des rames ferroviaires qui empruntent le Tunnel sous la Manche, pour gagner le Royaume-Uni. Des milliers d'entre eux tentent presque chaque jour de regagner l'Angleterre au risque de leur vie.
Les dernières tentatives en date remontent à la nuit du mardi 4 ao?t au mercredi 5 ao?t : quelques 350 tentatives d'intrusions avortées sont décomptées sur le site Eurotunnel dont 200 ont été repoussées aux abords du site de 250 hectares, 140 interceptées à l'intérieur du site et 10 arrestations, selon la presse fran?aise. Dans la nuit du lundi au mardi 4 ao?t, 600 tentatives d'intrusion ont été enregistrées sans compter les 1700 dénombrées la veille.
Suffisant pour faire réagir les autorités fran?aises et britanniques qui proposent comme solution à la crise, le renforcement des mesures de sécurité.
"L'Etat qui a toujours pris ses responsabilités va renforcer encore les moyens consacrés à la sécurisation de la frontière et notamment au site Eurotunnel. Je veux indiquer que deux unités de forces mobiles : 120 fonctionnaires vont être temporairement affectés à Calais, afin de contribuer à la sécurisation du site", a déclaré le ministre fran?ais de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
M. Cazeneuve a également annoncé un renforcement de la coopération avec son homologue britannique qui va débloquer 10 millions d'euros supplémentaires pour la sécurisation des abords du Tunnel sous la Manche.
De son c?té le gouvernement britannique a aussi renforcé la sécurité au niveau du terminal de Calais et annonce un nouveau projet de loi qui prévoit des sanctions pénales contre les propriétaires qui loueront aux migrants clandestins.
Damian Green, ministre britannique de l'Immigration annonce également des réformes sur le droit d'asile.
"Nous ne devons pas nous faire d'illusion, beaucoup d'entre eux (migrants) viennent ici (Royaume-Uni) pour avoir une vie meilleure. C'est pourquoi nous essayons de briser cette perception d'être un pays où les rues sont pavées d'or. Et c'est pourquoi nous voulons des réformes sur le droit d'asile. Si certaines personnes ne sont pas légitimes pour demander ce droit, nous couperons les allocations qu'elles devraient recevoir", a menacé M. Green sur BFMTV.
Mais des associations et spécialistes des migrations ne pensent pas que ces mesures sécuritaires des autorités fran?aises et britanniques soient une solution à la situation de Calais.
Selon Catherine Wihtol Wenden, directrice de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) en France, l'affaire des migrants de Calais dure depuis plus de dix ans et les mesures sécuritaires déployées n'ont rien résolu. Donc, "l'escalade sécuritaire (brandies à nouveau par les autorités) ne servira à rien sauf d'avoir plus de morts. Car si on dissuade les gens de passer, avec des instruments militarisés, il y aura des dangers", a expliqué sur France Inter, Mme Wenden, chercheuse et spécialiste des migrations.
A la place des mesures sécuritaires, les organisations demandent une structuration des flux migratoires pour permettre aux migrants de faire leur demande d'asile. Cette solution permettra d'après la présidente d'Amnesty internationale France, Geneviève Garrigos, de mettre fin au réseau des passeurs qui n'auront plus de raison d'exister.
"Au lieu de dépenser des millions pour contr?ler les frontières, il faut apporter assistance aux migrants. Il faut que l'Union européenne (UE) comprenne qu'à l'heure actuelle, l'immigration est la pire crise humanitaire qu'on traverse depuis la deuxième guerre mondiale : plus de 50 millions de personnes sont déplacées, 16 millions de refugiés dont 4 millions de Syriens. Et face à cette situation extraordinaire, l'UE peut aussi prendre ses responsabilités et voir comment apporter une assistance aux personnes qui en ont le plus besoin", a demandé Mme Garrigos.
En réponse au ministre fran?ais de l'Intérieur qui a proposé l'affectation temporaire de 120 policiers supplémentaires à Calais pour faire face à l'afflux des migrants à l'entrée de l'Eurotunnel, Pierre Henry, directeur de l'Association France Terre d'Asile, a indiqué : "On ne va pas régler la question migratoire avec 120 policiers en plus".
Il demande plut?t aux autorités de trouver une solution politique à cette crise et accuse la France d'être "le bras armé de la Grande-Bretagne qui a externalisé ses contr?les frontaliers sur le territoire fran?ais", a déploré sur RTL, Pierre Henry.
Cette position des organisations et spécialistes des migrations a été renforcée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les refugiés (HCR) qui invite dans un communiqué publié le vendredi 7 ao?t, la France à faire preuve de solidarité dans le traitement des migrants de Calais.
"Les mesures de sécurité, bien que nécessaires, ont peu de chance d'être efficaces à elles seules (...) Nous encourageons les autorités fran?aises à reloger progressivement les personnes s'abritant dans des camps informels et à leur fournir, comme c'est le cas dans la plupart des pays européens, des conditions d'accueil adéquates dans la région Nord-Pas-de-Calais ou ailleurs", a demandé le HCR.