La décision de plusieurs pays du Golfe face à la menace djihadiste pourrait peut-être marquer un tournant dans la lutte contre l’Etat Islamique. Après avoir fermé les yeux sur certains réseaux financiers d'aide aux islamistes en Irak et en Syrie, l'Arabie saoudite, le Kowe?t et le Qatar, trois riches mais fragiles monarchies du Golfe, paraissent désormais décider à ? agir sérieusement ? et ont annoncé officiellement être prêts à coopérer avec les états-Unis et les Occidentaux dans le cadre d'une large coalition internationale en formation contre l'état Islamique, mise sur pied lors du dernier sommet de l'Otan.
Il est vrai que le fait que plus d'un millier de Saoudiens soient entrés dans les rangs de l’Etat Islamique et que ces derniers ne sont désormais plus qu'à une centaine de kilomètres de son territoire a certainement poussé l'Arabie à être en pointe dans ce nouveau combat. Ce sont ? les ennemis numéros un de l'islam ?, a d’ailleurs lancé la semaine dernière le grand mufti du royaume, Abdel Aziz al-Cheikh, qui a appelé dimanche les musulmans à ? combattre ? l'état islamique ? agressif et oppressif ?. ? L'affaire est grave ?, a poursuivi le mufti d'un royaume qui applique pourtant un islam particulièrement rigoriste.
Le fait que l’Arabie rejoigne la coalition n’est pourtant pas si surprenant : en mars dernier déjà, Riyad avait sonné le tocsin contre les islamistes radicaux, qualifiant l’Etat Islamique, le Front al-Nosra (la branche syrienne d'Al-Qaida) et les Frères musulmans d'organisations terroristes, annon?ant un changement de cap , jusque-là, le Roi avait donné carte blanche au prince Bandar Ben Sultan, le patron de ses renseignements, pour faire tomber le régime syrien de Bachar el-Assad par tous les moyens, y compris en laissant des imams appeler les jeunes à aller combattre en Syrie, et au financement de la ? lutte contre le tyran ? de Damas. L’aggravation de la situation et l'échec de cette stratégie ont co?té sa place au Prince Bandar, qui a été remplacé par le Prince Mohammed Ben Nayef, l'homme de l'antiterrorisme, proche des Américains.
La décision de Riyad tient aussi à ses intérêts propres, car la rébellion n’est aujourd’hui pas très éloignée de ses frontières ; l’Arabie espère, grace à sa très ancienne diplomatie tribale, isoler les puissantes tribus d'al-Anbar des djihadistes et, plus important encore, s'assurer que les clans qui vivent à cheval entre l'Irak et l'Arabie ne rejoindront pas la rébellion sunnite conduite par l'état Islamique, et donner en même temps un tour de vis supplémentaire dans la surveillance des circuits financiers privés d'aide aux djihadistes, qui transitaient le plus souvent par le Kowe?t, le minuscule émirat frontalier du sud de l'Irak, qui vient de son c?té de durcir sa législation bancaire et de renforcer à son tour la surveillance sur les collecteurs de fonds au profit des djihadistes.