A l'occasion du 50ème anniversaire des relations diplomatiques sino-fran?aises, l'Université Tsinghua de Pékin et l'Université Paris-Sorbonne organiseront, dès la fin de l'année 2014, une série de conférences et de cours portant sur la littérature, la philosophie, la culture, la pensée européenne et chinoise, l'enseignement des langues et la civilisation comparée. L'ensemble du projet des séminaires a pour objectif de proposer un dialogue vivant entre l'humanisme en Europe et l'humanisme en Chine.
M. Pierre Brunel, membre de l'équipe scientifique du projet, mais aussi membre de l'Academia Europaea, professeur émérite de littérature comparée de l'Université Paris-Sorbonne et fondateur du Centre de recherche en littérature comparée, a exprimé ses réflexions et ses attentes sur ce projet d'enseignement et de recherche.
M. Brunel avait proposé la liste de personnalités que nous invitons aujourd'hui à participer au Dialogue politique et culturel du mois de décembre 2014 à Beijing. Il est,en effet, le véritable initiateur du projet actuel.
Pierre Brunel se réjouit de savoir que l'Université Paris-Sorbonne a accepté d'être le porteur du projet et d'avoir un partenaire chinois qui est l'Université Tsinghua. Selon lui, l'ouverture des séminaires de civilisation comparée marquera un nouveau départ pour ces deux universités prestigieuses : ce sera le premier séminaire sino-fran?ais à l'Université Paris-Sorbonne et ce sera le premier séminaire de littérature fran?aise à l'Université Tsinghua, où le département d'études fran?aises n'existe pas encore.
Tradition et innovation :des manuscrits de l'age classique aux écrivains contemporains
M. Brunel évoque la présence de la collection ? Connaissance de l'Orient ? de Gallimard, dirigée par René Etiemble. Les archives des missionnaires et la politique d'évangélisation des jésuites et des missionnaires européens, les débats philosophiques et théologiques suscités par la querelle sur les rites chinois sont des thèmes déjà très exploités au temps de René Etiemble. Mais de l'age classique à nos jours, nous pouvons tracer une perspective de littérature comparée qui nous oriente vers le présent, les actualités et l'avenir – nous pensonsaux diplomates et aux écrivains fran?ais comme Paul Claudel, André Malraux, Pierre Loti, et même Simon Leys, qui nous ont dessinél'image d'une Chine, d'une culture fascinantes pour le public fran?ais, voire européen.
Pour les Chinois, la diversité culturelle et linguistique de l'Europe est quelque chose d'original. Les nuances culturelles existent aussi en Chine. Mais depuis toujours, la Chine n'a qu'une seule écriture malgré l'existence de multiples dialectes. Pierre Brunel pense qu'une langue qui unifie les nations comme l'anglais est un grand avantage pour la communication. Bien que le fran?ais joue un r?le de première importance en Europe et dans le monde depuis le XVIIe siècle, la langue fran?aise n'a jamais été, comme l'anglais, une langue commune, parlée et écrite par la communauté européenne... Elle est, même encore aujourd'hui, réservée à une minorité de personnes... Cependant, cette absence d'une langue commune en Europe n'a pas empêché les Européens de construire une unité, une entité culturelle – depuis 50 ans, l'Europe (du moins en grande partie)est devenue une communauté et incarne une identité politique qui n'existait pas auparavant. Cette nouvelle image de l'Europe peut avoir une influence certaine sur les études de littérature comparée – les études comparatistes sont, désormais, à l'origine de la compréhension des nuances culturelles et de la quête d'un sens commun indispensable pour la recherche en sciences humaines.
Traduction et mythe
Monsieur Brunel insiste sur l'un des aspects du projet, qui lui semble le plus prometteur – la traduction. En tant que grand connaisseur des lettres classiques, il attend de la traduction du projet éditorial qu'elle puisse faire rejaillir l'essence et les racines des deux traditions culturelles. Il pense à la collection bilingue des lettres classiques de Guillaume Budé et à la collection des Belles Lettres dirigée par Anne Cheng, professeur au Collège de France,. Mais M. Brunel estime que le projet de traduction de l'humanisme en Europe et de l'humanisme en Chine devrait pouvoir aller plus loin. Car l'un des objectifs du projet est de rester dans les actualités et de rendre permanent et vivant le dialogue entre ces deux cultures. Par l'intermédiaire de ces échanges directs, des nouvelles perspectives en matière de connaissances peuvent être tracées, créées, et devenir une véritable voie du retour au mythe en matière de sociologie, d'anthropologie, de sciences humaines comme Claude Lévi Strauss l'entendait.