Dernière mise à jour à 08h16 le 19/05
Le Gabon, pays africain francophone, a décidé de frapper à la porte du Commonwealth, dont les membres sont presque tous d'anciens territoires du Royaume-Uni.
Le président gabonais Ali Bongo Ondimba a déclaré mardi dernier que son pays envisage d'adhérer au Commonwealth dans un bref délai, une annonce d'importance majeure. Parlant lui-même d'un "tournant historique", il a tenu ces propos depuis Londres au sortir d'une réunion avec la secrétaire générale du Commonwealth, Patricia Scotland.
EMANCIPATION LINGUISTIQUE
Cette volonté du Gabon d'adhérer au Commonwealth n'est pas une décision tombée du ciel.
M. Bongo, parfaitement anglophone et qui a passé une partie de son enfance aux Etats-Unis, n'a jamais caché son intention de diriger le Gabon vers la modernisation, notamment en introduisant l'anglais dans le pays francophone.
Bien qu'internationale, la langue fran?aise, langue officielle et dominante au Gabon, n'est pas la plus parlée dans le monde alors que l'anglais reste la langue des affaires, une opinion partagée au sein des autorités gabonaises.
"Le Gabon veut se développer et s'offrir les meilleures opportunités. Quand vous sortez de l'espace francophone, si vous ne parlez pas l'anglais, vous êtes quasiment handicapé. Il s'agit de faire en sorte que les Gabonais soient armés et mieux armés", avait avancé Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien porte-parole de la présidence gabonaise.
En octobre 2012, M. Bongo avait effectué une visite de deux jours à Kigali pour "examiner l'expérience du bilinguisme anglais-fran?ais" du Rwanda, membre de la Francophonie et du Commonwealth.
Le président avait suivi cet exemple en envoyant d'abord un groupe d'enseignants au Ghana pour apprendre à enseigner l'anglais.
La refonte des programmes scolaires pour faire plus de place à l'apprentissage de l'anglais avait néanmoins échoué au moment où le pays a basculé dans une grave crise économique suite à la chute des cours des matières premières en 2014.
DIVERSIFICATION ECONOMIQUE
Dans le message publié sur Twitter annon?ant l'intention de son pays d'adhérer au Commonwealth, M. Bongo a indiqué que ce choix vise à diversifier les partenaires économiques du Gabon. Son porte-parole, Jessye Ella Ekogha, a précisé que c'est un choix qui vise le "développement durable du pays".
En Afrique, le développement économique est plus dynamique dans les pays anglophones par rapport à la majorité des pays francophones, ont noté des observateurs locaux. Libreville veut varier son expérience dans les choix de développement en s'inspirant des modèles anglophones, explique-t-on au ministère gabonais des Affaires étrangères.
L'option de faire du Gabon un pays bilingue cadre également avec l'ambition du pays de développer le secteur tertiaire dans le cadre de la diversification de l'économie, trop dépendante des revenus du pétrole, du bois et des minerais.
Depuis 2012, Libreville, aidé par la Chine, a lourdement investi dans la construction de stades, d'h?tels et autres infrastructures dans le but de développer le tourisme des conférences et des sports.
UN SOMMET DECISIF
Le Gabon espère pour le moment remplir le cahier des charges et attend patiemment que sa candidature soit validée lors du prochain sommet du Commonwealth à Kigali.
Le sommet, prévu en juin, a cependant été reporté à une date ultérieure en raison de la pandémie de COVID-19. Malgré le report, pour Libreville, les mois à venir restent décisifs.
Selon une source proche du ministère des Affaires étrangères, le Gabon avait déjà fait acte de candidature il y a plusieurs mois. Le Commonwealth avait dépêché à Libreville une délégation pour déterminer si le Gabon était éligible à ses critères.
Le Gabon a adopté en mars dernier une révision du Code civil pour défendre l'égalité homme-femme et lutter contre les violences domestiques, une cause longtemps soutenue par Mme Scotland.
Si tout se passe bien pour le Gabon, il deviendra le troisième pays non anglophone à l'origine à rejoindre cette organisation, après le Mozambique en 1995 et le Rwanda en 2009.