Le débat sur une éventuelle révision de la Constitution congolaise en vigueur depuis 2002 semble totalement lancé chez les acteurs politiques congolais où les positions des uns et des autres (le parti au pouvoir et l'opposition) demeurent tranchées.
En effet, après la volonté de modifier la Constitution en vue de dégager les verrous qui empêchent le président de la République d'être candidat à sa succession en 2016, exprimée récemment par deux hauts fonctionnaires du gouvernement, Pierre Mabiala, ministre des Affaires foncières et du domaine public et Isidore Mvouba, ministre d'état, ainsi que Justin Koumba, président de l'Assemblée nationale, des voix s'élèvent de toute part sur cette question.
La demande de modifier la Constitution a été avancée le 22 mars à Dolisie, troisième ville du Congo, située dans le département du Niari, deuxième département après la Likouala (extrême nord), au cours d'une rencontre entre le chef d'Etat, les cadres et les sages du département.
Cette demande s'est fondée, selon les hauts responsables, sur le fait que l'actuelle Constitution qui régit le pays pose deux verrous : l'age et le nombre de mandats. Ces deux verrous, estiment-t-ils, ne tiennent pas compte du devoir républicain de continuité.
"Le Niari rassemblé dans toute sa diversité pose le problème réel et l'objectif de changement de Constitution", a déclaré M. Mabiala, ministre des Affaires foncières et du domaine public, qui soutient que le Congo ne doit pas perdre ses acquis au-delà de 2016.
"La pensée du Niari nous permet de dire qu'il n'y a pas plusieurs Congolais qui puissent avoir les capacités à la fois historique, politique, économique, sociale et diplomatique. Puisque c'est vous qui conduisez et déterminez la politique de la nation, répondez à cette question que nous vous soumettons", a-t-il ajouté.
Pour sa part, M. Mvouba, ministre d'Etat en charge du développement industriel et de la promotion du secteur privé, a exprimé le même désir.
"2016 n'est pas une borne infranchissable. (...) 2016 est un passage vers une synthèse dialectique, en vue de consolider nos acquis et avancer sans coup férir sur le chemin de l'émergence. Il faut atteindre l'autre rive, faire le grand bond en avant et établir le nouveau deal avec le peuple du Congo", a-t-il déclaré.
"Nous avons choisi de poser le problème important qui ne peut qu'être résolu par vous. Il s'agit de la révision de la Constitution", a précisé M. Koumba, président de l'Assemblée nationale, ajoutant que "le Niari, unanimement, a pensé que nous pouvons vous demander de ne pas hésiter à envisager le changement de la Constitution".
Jusqu'à présent, la préoccupation des hauts responsables n'a pas suscité une réaction claire du président de la République qui s'est dit conscient de l'enjeu que représente cette question cruciale pour l'avenir du pays.
"J'écoute tout ce que vous dites, bon ou mauvais. Un jour viendra où je vais décider. Une seule hirondelle ne fait pas le printemps. Vous avez parlé, le président a entendu. Je tiens à vous remercier de votre franchise et courage parce que ce problème est très crucial et capital pour l'avenir de notre pays", a-t-il affirmé le chef d'état Denis Sassou Nguesso.
La révision ou non de la Constitution suscite, à deux ans de la prochaine présidentielle prévue pour 2016, une vive préoccupation de la classe politique congolaise, notamment chez l'opposition qui s'est souvent montrée hostile sur ce problème.
Pour elle, il n'est pas question de penser la révision de la constitution. "Sassou Nguesso doit partir", pensent les différents partis de l'opposition, notamment l'Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPDAS) qui a organisé en 2013 un meeting sur le thème "Touche pas à ma Constitution".
"Ce débat a été porté sur la place publique intelligemment par la majorité présidentielle. Nous avons réagi à ce sujet et avons dit qu'on ne peut pas réviser la constitution", a précisé mercredi à Xinhua le secrétaire général de l'UPADS, Pascal Tsaty Mabiala.
Préoccupé par la sujet, d'autres responsables des partis de l'opposition congolais ont également fait entendre leur voix.
"La Charte africaine de la démocratie et des élections adoptée au cours du mandat du président Denis Sassou Nguesso à l'Union africaine interdit d'amender ou de réviser la constitution lorsqu'elle porte atteinte à l'alternance démocratique", a pour sa part relevé le président de l'Union patriotique pour le renouveau national, Clément Mierassa.
Deux autres responsables de l'opposition, Guy Romain Kinfoussia de l'Union pour la démocratie et la République et Mathias Dzon, président de l'Union patriotique pour le renouveau national, sont eux aussi monté au créneau.
Selon M. Dzon, l'un des opposant le plus radical au pouvoir, la Constitution actuelle a été taillée sur mesure par le président Sassou Nguesso à qui elle accorde tous les pouvoirs. Elle ne l'empêche nullement d'exercer ses fonctions jusqu'à la fin de son deuxième mandat, en 2016.
"La Constitution ne peut être changée, car la loi fondamentale actuelle ne prévoit aucun dispositif relatif à un référendum d'initiative populaire", souligne-t-il.