Sans Wu Tianming, les réalisateurs de renom tels que Zhang Yimou et Huang Jianxin auraient certainement connu des moment plus difficiles pour rentrer dans l'industrie cinématographique chinoise et la révolution du septième art créée par la soi-disant "cinquième génération" aurait bien pu ne pas avoir lieu ou du moins exister sous une autre forme.
Wu Tianming, qui a marqué un chapitre important dans l'histoire du cinéma chinois, est décédé le 4 mars victime d'une insuffisance cardiaque. Il avait 74 ans.
Le natif de la province du Shaanxi a commencé à faire des films dans les années 70. Il a été profondément immergé dans le style traditionnel connu sous le nom du ?réalisme social? avec plusieurs de ses histoires dépeignant la vie rurale sans fard et bien sombre, totalement différentes de celles faites par ses protégés par la suite.
Deux de ses films ont eu un impact important à leur sortie. Life (1984) et l'histoire d'un jeune urbain envoyé dans les campagnes et qui tombe amoureux d'une fille du pays. Le jeune homme doit alors faire face à un dilemme moral, quand il a l'occasion de retrouver son ancienne vie et un quotidien plus prospère : soit quitter sa petite amie ou se condamner une contrainte éternelle.
C'était un dilemme pour toute une génération de jeunes Chinois et un écho d'un conte antique ancienne connaissant un problème moral similaire. Mais en gardant une teinte de mélodrame, qui résonne avec insistance dans une société chinoise qui cherchait à se débarrasser des vestiges de la ?révolution culturelle? (1966-1976) .
Le vieux puits (1986) raconte le récit de villageois qui luttent pour un accès à l'eau, un trésor pour les terres arides du nord-ouest de la Chine. Une oeuvre qui à l'époque a fait de l'acteur Zhang Yimou une véritable star, en remportant de nombreux prix dont celui du meilleur acteur au Festival international de Tokyo. Ce film étant encore aujourd'hui considéré comme un grand classique de l'école de réalisme du cinéma.
Les réalisations de Wu Tianming ont laissé un héritage important. Mais ce qu'il a pu faire en parallèle a définitivement cimenté son statut de ?parrain? d'une nouvelle génération de cinéastes étant encore actifs dans le cinéma chinois d'aujourd'hui. De 1984 à 1989, Wu a été promu à la tête du Xi'an Film Studio, se trouvant à l'extérieur du noyau de l'industrie cinématographique du pays. Il a pu saisir la position périphérique de ce lieu pour en retirer en avantage en faisant confiance notamment un groupe de nouveaux dipl?més dans les projets s'écartaient fortement de l'esthétique conventionnelle.
Sous sa direction, de nombreux titres historiques pouvant surprendre ont pu être projetés, parmi lesquels : L'affaire du canon noir de Huang Jianxin, Le voleur de chevaux de Tian Zhuangzhuang et le célèbre Sorgho rouge de Zhang Yimou (1987). Avant de devenir un grand réalisateur, Zhang fut un très bon acteur.
Au début des années 90, Wu Tianming a séjourné aux Etats-Unis, puis est retourné en Chine en 1994. Il a continué à réaliser quelques films, dont Le Roi des masques, qui a remporté quelques récompenses.
Au cours de cette dernière décennie, le réalisateur et producteur a re?u plusieurs distinctions honorifiques en reconnaissance de sa contribution à la naissance de la cinquième génération. L'énorme pression qu'il a du subir et la grande générosité dont il a fait preuve, avec l'éclosion d'une nouvelle génération de cinéastes, ont été souvent minimisés par lui-même et les médias.
Pour sa dernière grande apparition, on l'a retrouvé dans le r?le principal de la comédie Full Circle de Zhang Yang (2012), l'histoire d'un groupe de personnes agées abordant les problèmes du quotidien et face à face s'interrogeant sur le sujet de la mortalité.
A l'annonce de la mort de Wu, Zhang Yimou a publié un bref communiqué , exprimant son choc face à la nouvelle et mentionnant qu'ils avaient envisagé de travailler ensemble sur un projet quelques mois plus t?t. Gu Changwei, un autre administrateur qui a travaillé sous les ordres du réalisateur au studio de Xi'an, a écrit : "Que notre chef puisse continuer de jouir du bonheur au-dessus de nos têtes".