A Brazzaville et Pointe-Noire au Congo, quatrième plus grand pays producteur de pétrole, les longues files de véhicules attendant le carburant dans les stations-service ont disparu depuis une semaine.
La menace des pénuries de carburants, devenues courantes depuis le mois de décembre 2014, semble cependant ne pas être totalement écartée.
"C'est un ouf de soulagement, car nous avons trop souffert dans les stations-service pour attendre l'essence. C'était également pénible pour la population qui a eu du mal à se déplacer pendant toute cette période", s'est réjoui Mesmin Dolin, chauffeur de taxi à Brazzaville.
Le manque d'essence super, de gasoil, de pétrole lampant et de kérosène dans les enseignes reconnues de distribution et de commercialisation de ces produits a de nombreuses conséquences au Congo. Surtout, il entra?ne des risques d'inflation importants.
Le prix d'une course de taxi fixée à 1000 francs CFA (2 dollars) passe du simple au double ; de même, les charges augmentent pour les producteurs, ce qui entra?ne une hausse du prix de nombreuses denrées de première nécessité, telles que le pain.
D'ailleurs, ces conséquences vont bien au-delà de la vie des ménages. Des sociétés chargées de l'exécution de plusieurs chantiers routiers ont été les premières à se plaindre auprès des autorités chargées de superviser le marché des produits pétroliers au Congo.
"Nous avons re?u ici les lettres des sociétés China Road and Bridge Corporation, China State Construction Engineering Corporation et Sinohydro. Toutes se plaignent et font part de la perturbation de leurs activités par manque de produits pétroliers. Par exemple, il devient difficile de couler le goudron sur les chaussées des routes en construction ou en réparation", a expliqué à Xinhua Jean Félix Akouala, directeur de l'Agence de régulation de l'aval pétrolier.
Pour certaines sociétés chargées d'exécuter des travaux attendus avant le début des Jeux africains de septembre 2015 à Brazzaville, ces pénuries de carburants sont une grande source de préoccupation compte tenu des délais.
Le Congo, dont la production moyenne de pétrole brut est estimée à 91,5 millions de barils en 2014, a connu sa dernière crise de produits pétroliers en 2008, ce qui fait que l'on peut s'interroger sur l'origine de la crise actuelle des produits pétroliers au Congo. Plusieurs causes expliquent ce phénomène. Mais le manque de transparence des différents acteurs du secteur aval pétrolier sur cette question est frappant : personne ne veut parler des causes des pénuries de carburants.
Au ministère des Hydrocarbures et à l'Agence de régulation de l'aval pétrolier, les principales administrations étatiques chargées de veiller au stockage, à la distribution et la commercialisation des produits pétroliers, chacun des agents abordés ont orienté nos journalistes vers la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC).
La même attitude est affichée par la Société commune de logistique (SCLOG) et les distributeurs, opérateurs privés chargés respectivement du stockage et de la distribution et vente des produits pétroliers à la pompe.
Selon la plupart des acteurs du secteur pétrolier congolais, les causes des pénuries de carburants sont notamment liées aux difficultés de traction des produits par train entre Pointe-Noire (siège de la seule raffinerie du pays) et Brazzaville (point de répartition des produits vers le nord du pays).
Des problèmes techniques rencontrés par cette raffinerie, la Congolaise de raffinage (Coraf), filiale de la société étatique SNPC, ont également été cités comme expliquant les pénuries.
Une autre cause pourrait être les difficultés d'approvisionnement par importation à partir de la République démocratique du Congo voisine.
Même si les acteurs concernés ne veulent pas en parler, ce dernier facteur semble mieux expliquer la crise actuelle. Depuis la privatisation et la libéralisation du secteur, les produits pétroliers distribués au Congo proviennent de la SNPC (publique), qui les confie à la SCLOG pour stockage, laquelle les fournit aux distributeurs (privés) qui vendent à la pompe.
Pour assurer la permanence des approvisionnements, la SNPC a souvent recours à l'importation lorsque son unique raffinerie conna?t des difficultés. Dans la pratique, cette société s'est attribuée un monopole de fait sur l'importation des produits pétroliers.
Cela marchait bien tant qu'elle était capable d'assumer sa mission. La crise actuelle semble cependant montrer ses limites dans l'approvisionnement constant du marché national. Du moins selon ses partenaires commerciaux, qui, même s'ils ne le disent pas tout haut, revendiquent désormais une réelle libéralisation de l'importation des produits pétroliers finis au Congo.