Dernière mise à jour à 09h48 le 18/03
Au lendemain de l'allocution solennelle du président fran?ais Emmanuel Macron appelant à la "mobilisation générale" pour gagner "la guerre sanitaire", la population fran?aise est sous le choc et tente de s'adapter au confinement généralisé qui a débuté mardi, à la mi-journée. Une prise de conscience collective brutale dans un pays qui a tardé à prendre la mesure de la gravité de l'épidémie de COVID-19.
Dimanche encore, dans de nombreux parcs de Paris et de province, les Fran?ais se sont rassemblés pour pique-niquer sous un doux soleil printanier. Dans une mélange d'insouciance, d'inconscience et de déni de réalité.
L'allocution solennelle du président Macron, jeudi dernier, suivie de l'annonce samedi de la fermeture des restaurants, bars et commerces non essentiels n'avaient visiblement pas à suffi à provoquer la nécessaire prise de conscience collective quant à la gravité de l'épidémie de COVID-19 qui poursuit sa propagation dans le pays.
"Dès demain midi, et pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs et les réunions amicales ou familiales ne seront plus permis, que se promener pour retrouver des amis dans la rue ne sera plus possible", a d? marteler lundi soir à la télévision Emmanuel Macron, appelant à la "mobilisation générale" pour gagner "la guerre sanitaire".
Mardi, au premier jour de confinement, le pays se retrouve comme groggy, entre choc et sidération pour beaucoup, acceptation et philosophie pour d'autres.
Dans la matinée, de nombreux Parisiens se sont précipités vers les gares pour tenter de rejoindre la campagne. Un exode qui a été observé dans plusieurs grandes villes du pays.
Dans la plupart des établissements scolaires, tous fermés depuis lundi, c'est un peu la panique : les systèmes prévus pour l'enseignement à distance sont loin d'être opérationnels. "L'espace numérique de travail ne fonctionne pas, comme dans l'ensemble du Grand Est. On s'en doutait un peu. Avec quelques camarades férus d'informatique nous avons développé ces dernières semaines une plate-forme autonome pour connecter l'ensemble des lycéens de notre établissement. Nous avons en urgence ajouté des fonctionnalités comme la vidéo-conférence. Au moins, comme ?a, on peut continuer à travailler", témoigne Nathana?l, élève en classe de terminale au lycée international des Pontonniers de Strasbourg, qui s'inquiète pour son baccalauréat.
Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a précisé mardi les consignes concernant les déplacements. "Pour chaque sortie, chaque personne devra disposer d'une attestation dérogatoire pour justifier son déplacement". Pour les déplacements professionnels, cette attestation va être "complétée par une autorisation, signée par l'employeur", a précisé le ministre. 100 000 policiers sont en cours de déploiement sur le territoire pour veiller au respect de ces mesures.
Sont autorisés les déplacements de son domicile à son lieu de travail dès lors que le télétravail n'est pas possible ; pour faire ses achats de première nécessité dans les commerces de proximité autorisés ; pour se rendre auprès d'un professionnel de santé ; pour la garde de ses enfants et soutenir les personnes vulnérables ; pour sortir ses animaux à proximité de son domicile ; pour faire de l'exercice physique uniquement à titre individuel.
Gervaise, biologiste retraitée, a renoncé à rejoindre son appartement à Strasbourg. "Je suis dans ma maison de campagne dans les Vosges, certes isolée, mais je ne manque de rien. Je ne m'inquiète pas, je m'adapte. Je comprends les mesures de confinement", explique-t-elle. "Ici, dans cette région, les magasins où je suis allée ce matin ont pris toutes les mesures de précaution. Certes, il y a encore quelques personnes qui ne respectent pas les gestes-barrières. Le maintien des élections municipales, dimanche dernier, a très probablement créé de la confusion dans l'esprit des gens. Il faut continuer à faire de la pédagogie", poursuit-elle. "Et rester philosophe", dit-elle.
Nadine, aide à domicile à Annecy, en Haute-Savoie, un des départements où ont été détectés les premiers cas en France, essaie elle aussi de faire contre mauvaise fortune bon c?ur. "Je suis en arrêt maladie jusqu'au 29 mars en raison d'une suspicion de COVID-19. J'ai de la fièvre, de la toux et des courbatures. Heureusement pas de détresse respiratoire", explique-t-elle. "J'essaie de rester sereine. Mais je m'inquiète pour mes parents qui sont agés et que je ne peux pas aider", confie-t-elle.
Vincent, quadragénaire, cadre dans une grande banque à Genève, vit en France, juste à la frontière où la police suisse a déployé des patrouilles dès mardi matin . "Pour entrer sur le territoire helvétique, je dois montrer ma pièce d'identité et mon contrat de travail", précise-t-il. "Ensuite, après mon trajet en voiture, je dois prendre un bus pour me retrouver dans des bureaux où, même si les gens ont été séparés dans plusieurs espaces, nous sommes nombreux. Comment éviter les contacts dans de telles conditions ?", déplore-t-il. "On nous parle de télétravail mais c'est encore très désorganisé pour un certain nombre d'entre nous", dit-il.
Alain, quant à lui, fait partie de ceux qui ont choisi l'exode, loin des agglomérations anxiogènes. "Nous avons décidé de quitter en voiture Strasbourg pour nous mettre au vert dans la maison familiale à la campagne. C'est une chance. Rester confinés dans un appartement en Alsace où la situation sanitaire est très très dégradée n'avait pas vraiment de sens. Le confinement peut avoir des effets psychiques délétères. Au moins ici, nous pouvons nous aérer dans le jardin et ma femme peut faire du télétravail. Moi, j'ai pris des congés. Au programme : cuisine, lecture et patience. On ne sait pas combien de temps cela va durer", raconte-t-il.