La chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron se sont rencontrés en Suède lundi soir pour de nouvelles discussions sur l'identité du prochain président de la Commission européenne (CE).
La réunion fait suite à une semaine d'activité diplomatique intense de M. Cameron qui a effectué une série d'entretiens téléphoniques avec ses homologues européens, d'après un responsable britannique, "pour arrêter le dynamisme" qui pousse Jean-Claude Juncker, toujours le successeur le plus probable du président sortant de la CE José Manuel Barroso.
Le Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt, h?te de la rencontre de Mme Merkel, M. Cameron et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, a également exprimé des inquiétudes au sujet de la candidature de M. Juncker, mais pas avec autant de véhémence que M. Cameron.
M. Juncker, ancien Premier ministre du Luxembourg, est soutenu par le Parti populaire européen (PPE), le plus grand bloc politique dans le nouveau Parlement européen (PE). Le PPE obtiendra 221 des 751 sièges au parlement, mais il lui manquera un certain nombre de sièges pour réaliser une majorité nécessaire au soutien définitif de son candidat.
Une réunion informelle des dirigeants de l'Union européenne (UE) qui a eu lieu il y a deux semaines a seulement servi à brouiller les pistes quant à savoir qui pourrait obtenir la présidence. Selon les nouvelles règles, les dirigeants de l'UE au sein du Conseil européen doivent "tenir compte" des résultats des élections européennes au moment de choisir le nouveau président, mais ne sont pas obligés de suivre le choix du parlement.
M. Juncker est considéré par M. Cameron comme un fédéraliste incapable de conduire un changement fondamental au niveau de l'UE. La Grande-Bretagne considère qu'il faut entreprendre des réformes essentielles pour l'avenir de l'UE surtout après les élections européennes de mai qui se sont manifestées par des votes de protestation en faveur des partis eurosceptiques. M. Cameron est allé jusqu'à mettre en garde Mme Merkel que la nomination de M. Juncker pourrait forcer le gouvernement britannique à avancer à 2016 le référendum prévu pour 2017 sur la poursuite de l'adhésion de la GB à l'UE.
Mme Merkel tente de trouver un équilibre de plus en plus délicat. Elle apporte un soutien nuancé à la candidature de M. Juncker. La chancelière est elle-même sous pression intense en Allemagne et ne doit pas être considérée comme acceptant le "chantage" britannique. Mais ses paroles ont été choisies avec circonspection en soulignant que la présidence ne devrait pas être décidée sur la base d'une seule personnalité, mais vue comme faisant partie d'un ensemble plus large des politiques que la CE devrait poursuivre.
La chancelière n'a ni oublié ni pardonné le retrait du Parti conservateur de M. Cameron du PPE, dont le plus grand membre est son propre parti le CDU (Union chrétienne-démocrate d'Allemagne).
Pour certains, ce dernier bras de fer est un rappel du sommet très tendu de Bruxelles qui a eu lieu en décembre 2011 lorsque M. Cameron s'est opposé à un nouveau pacte budgétaire au moment où la crise euro était à son pic. Ce sommet a pris fin avec la décision de la France, l'Allemagne et d'autres pays de rédiger leur propre traité afin d'imposer un contr?le plus centralisé sur les budgets nationaux, la Grande-Bretagne étant mise à l'écart.
M. Cameron risque d'être pris entre le marteau et l'enclume pour son opposition publique à M. Juncker. En campagne publiquement contre M. Juncker, M. Cameron est maintenant confronté à deux scénarios indésirables.
Si M. Juncker remporte la présidence, M. Cameron subira une défaite embarrassante qui ne fera que renforcer l'aile eurosceptique de son parti conservateur. S'il réussit à bloquer le candidat choisi par le PPE, la Grande-Bretagne aura épuisé à peu près tout son capital politique en baisse dans l'UE et pourra être forcé à accepter les futures politiques et compromis que d'habitude elle refuse.
D'une manière ou d'une autre, la Grande-Bretagne pourrait se retrouver de plus en plus isolée, même mise à l'écart de l'UE, hypothèse que M. Cameron ne souhaite pas voir se produire, mais qui pourrait néanmoins se réaliser.
Cependant il est encore possible que Mme Merkel vienne avec un compromis pour lui sauver la face ; ouvrant ainsi la porte à la présidence de M. Juncker, tout en faisant des déclarations publiques sur la nécessité d'une réforme importante de l'UE. Mais les enjeux deviennent de plus en plus élevés chaque jour qui passe sans accord.