Dernière mise à jour à 14h01 le 28/06
A environ 90 jours des élections législatives et présidentielle, des prémices d'une saison touristique "fertile" (un record de plus de 8 millions de touristes attendus cette année) outre un état des lieux sécuritaire rassurant depuis 2015, la Tunisie vient d'être endeuillée ce jeudi par une série de trois attentats terroristes, dont un double attentat-suicide au c?ur de la capitale faisant un mort et huit blessés et un troisième à Gafsa, une province du sud-ouest du pays.
Une donne aggravée par l'état de santé du président de la République tunisienne, Béji Ca?d Essebsi, transféré ce jeudi-même à l'h?pital militaire de Tunis suite à un malaise qualifié d'aigu, le deuxième en date en l'intervalle d'une semaine.
Pour certains analystes tunisiens, le "timing" de ces attentats ne révèle aucunement du hasard à la lumière des échéances majeures que la Tunisie s'apprête à parcourir, au vu de certaines "altercations" politiques en relation avec des calculs électoraux, mais surtout face à une conjoncture régionale agitée (Libye et Algérie).
"Ces groupes terroristes attendaient depuis toujours pareils moments de passage à vide auprès des forces sécuritaires afin de pouvoir perpétrer pareils plans sanglants surtout alors que le pays s'apprête à tenir des élections générales dans quelques mois", a confié à Xinhua l'analyste politique Slaheddine Jourchi.
Jourchi pense que "ces actes indignes surviennent aussi dans un contexte délicat où le pays est en train de se réorganiser économiquement notamment avec un record au titre du nombre de touristes devant débarquer cette année".
"Malgré les efforts et la vigilance des forces sécuritaires, a-t-il insisté, reste à réviser certaines failles dans le système de sécurité global (...) le danger n'est autre que la menace ciblant un établissement sécuritaire vital à savoir la caserne de Gorjani spécialisée dans la lutte antiterroriste (faisant allusion à la deuxième explosions suicidaire)".
Le kamikaze de cette attaque, s'est interrogé l'analyste tunisien, est arrivé à bicyclette sur les lieux (d'habitude autrement surveillé) avant d'y rester planqué pour 30 minutes, attendant la sortie d'un véhicule de la caserne où il passait à l'action en se faisant sauter.
"La situation générale du pays constitue une autre paire de manche avec entre autres une certaine fragilisation du climat politique dans le sens d'une mobilisation électorale qui ne cesse de faire apparition (...) des tiraillements politiques qui risquent de carburer les ambitions terroristes", a commenté Jourchi.
Avec l'état de santé actuel du président de la République, un sentiment d'inquiétude pourrait prévaloir dans le pays quant aux moyens et outils politiques, constitutionnels et réglementaires susceptible de gérer les affaires du pays en cas d'incident et d'éventuelle vacance provisoire ou définitive des fonctions présidentielles.
"Sans pour autant tomber dans l'exagération ou l'improvisation, nous devons faire attention puisque le pays franchit la dernière ligne droite d'une étape assez délicate qui pourrait être lourde de conséquences prochainement", a souligné Slaheddine Jourchi.
Se référant à la Constitution tunisienne (promulguée en janvier 2014), la Tunisie pourrait être basculée dans une impasse constitutionnelle puisque, selon l'article 84, "en cas de vacance provisoire de la présidence de la République pour des raisons qui rendent la délégation impossible, la Cour constitutionnelle se réunit immédiatement".
Cependant, l'Assemblée des représentants du peuple (Parlement) piétine encore (jusqu'à présent) à parachever le processus de l'instauration de cette Cour constitutionnelle faute de consensus autour de ses membres.
La situation sécuritaire en Tunisie n'est pas, pour d'autres observateurs, séparée de celle enregistrée dans certains pays du voisinage notamment en Libye.
"Traqués en Libye, les éléments terroristes tentent à tout prix fuir l'artillerie libyenne pour s'infiltrer en Tunisie voisine où ils espèrent y trouver refuge (...) l'autre face de la monnaie réside dans le fait que certains terroristes retranchés en Tunisie se réactivent davantage en apprenant l'arrivée de leurs, sois disons, collègues de sang", a encore analysé Jourchi.
Pour Lotfi Ben Salah, expert en politique et des mouvements djihadistes, "l'approche sécuritaire tunisienne, face à la menace terrestre, manque d'une certaine cohérence au niveau de coordination et de communication".
Ben Salah a mis en garde contre la récurrence de pareils attentats avec l'approche de l'échéance électorale de fin de cette année, d'où "force sera d'avoir les moyens capables de prétendre ce genre de risques qui, une fois survenus en période électorale, sera catastrophique et chaotique".
Pour sa part, Ali Allani, l'analyste spécialisé dans les politiques sécuritaires, a qualifié les deux attentats dans la capitale tunisienne de "message fort" émanant des groupes terroristes opérant en Tunisie envers les autorités tunisiennes dont certains responsables ont récemment confirmé la fin de la menace terroriste, éradiquée par l'appareil sécuritaire.
"Ces terroristes ont émis un message clair à l'appareil sécuritaire et judiciaire et ce, en réaction suite à plusieurs procès survenus dernièrement contre des extrémistes religieux mais surtout une preuve d'existence réelle sur le sol tunisien".
Aux yeux de M. Allani, "la prochaine bataille contre le terrorisme en Tunisie sera purement une bataille de renseignements (...) le mode opératoire de l'appareil sécuritaire doit être changé pour ainsi espérer faire réussir la saison touristique mais surtout les élections".