Dernière mise à jour à 08h39 le 26/06
Situé au croisement de la mer Rouge et de l'océan Indien, Djibouti qui est le plus petit pays de la Corne d'Afrique tant par sa superficie que par sa population (23.000km2 pour 850.000 d'habitants), a acquis son indépendance de la France une nuit longue et chaude d'un juin au ciel très étoilé, il y a...40 ans. Plus exactement, le 27 juin 1977.
Aujourd'hui, cette nation dont tous les analystes politiques d'alors avaient parié sur son effondrement total quelques jours seulement après sa proclamation d'indépendance, ce pays, qui semblait perdu pour toujours entre les calculs expansionnistes de ses riverains et les desseins inavoués et, ? combien fatal, de la puissance coloniale qui usait de tous le moyens pour le maintenir toujours et encore dans le cercle infernal d'une dépendance totale qui se présentait même comme une évidence divine, s'apprête à célébrer une victoire merveilleuse, presque fantastique et contre tous : celle de sa vie, de son existence que l'histoire va désormais la compter en 40 années. Son jubilé d'émeraude tout simplement.
Pour ce faire, les autorités djiboutiennes ont décidé que la célébration de cet anniversaire soit sans pareil égal dans les annales du pays. C'est ainsi qu'a été mis sur pied, et par décret présidentiel, un comité national d'organisation composé d'une pléiade de personnalités, la plupart issues de la société civile, et surtout choisies pour leurs compétences et leurs influences dans plusieurs domaines clés.
Après la publication du logo officiel du 40ème anniversaire de l'indépendance nationale, il a été décidé que les activités de cette célébration, qui ont débuté dès le mois de mai dernier, puissent se poursuivre tout au long de l'année.
En effet, si au début le tempo a été assez bien donné avec l'organisation d'une grande foire artisanale au c?ur de la capitale suivie du lancement de la "Caravane de l'Indépendance" qui a sillonné les principales villes du pays, ainsi qu'une passionnante loterie de l'unique opérateur téléphonique du pays qui a tenu en haleine tous les Djiboutiens avec ses lots, dont quatre voitures, les activités de ces festivités ont été sans aucun doute quelque peu ralenties considérablement, pour ne pas dire stopper, tout au long du mois de Ramadan, où tous les Djiboutiens, comme tous les musulmans du monde entier, observaient le je?ne durant ce mois de juin.
Selon les confidences de Mouna Ali, infirmière et militante de la société civile à Balbala, principale banlieue de la capitale djiboutienne, les associations locales de Djibouti-ville et des régions de l'intérieur sont mobilisées et travailleraient en étroite collaboration avec le comité national d'organisation de ces festivités.
"Il y a certes un comité national qui a été créé pour piloter cet événement, mais je me réjouis de voir tout Djibouti, et plus particulièrement la société civile, s'engager comme un seul homme pour la réussite de cette fête", dit-elle.
Or pour Mohamed Abdi, enseignant proche de l'opposition, la mobilisation de la mouvance civile djiboutienne ne peut en aucun cas garantir à elle seule le succès de cet évènement.
A ses yeux, "il fallait définir d'abord lors d'une table-ronde nationale les contours de cet évènement lui-même pour ressortir ensuite tous les centres d'intérêts qui lui permettront alors de jouir d'une lecture limpide, intégrale et surtout constructive et honnête de l'histoire de ces quarante ans d'existence afin de mieux tracer ensuite les sentiers de l'avenir, avec, à l'horizon, les lumières de prochains défis à relever avant de toucher aux buts d'un futur que les enfants de cette nation ont déjà défini ensemble sur la même table et sous les lustres d'un dialogue patriotique".
Ce sentiment, Neima Djama, cadre dans le privé qui a toujours soutenu l'alliance au pouvoir à Djibouti (l'Union pour la Majorité Présidentielle), elle le partage également depuis quelque temps. A ses amis de son travail, une nouvelle société de transit, et de l'annexe UMP de son quartier, elle ne cesse de faire part de plus en plus de son inquiétude de voir le c?té folklorique et festif de cet évènement engloutir à jamais pour ne rien laisser para?tre ensuite de ce noble c?té où une analyse sans complaisance et une critique constructive dans un débat citoyen et démocratique, ne serait-ce que lors d'une seule journée, donneraient définitivement une toute autre dimension à cet évènement.
Pour cette comptable de formation, certes les chants et le théatre font partie de l'identité de la nation djiboutienne et ont toute leur place dans un pareil évènement mais, dit-elle, "ils ne doivent pas dominer délibérément le programme des activités de cette célébration. Honnêtement, à quarante ans, on n'ose pas faire une petite pose, juste pour évaluer le chemin parcouru et définir des objectifs nouveaux qui donneront un sens à l'avenir, je pense qu'il sera trop tard et inutile d'y songer à quatre-vingt ans, après huit décennies d'une vision juste musicale de la vie toute entière".
Si Kamil Ali, étudiant en troisième année Histoire à l'Université de Djibouti, salue également la mobilisation et surtout l'intérêt des Djiboutiens pour la célébration de ce 40ème anniversaire de l'indépendance nationale, sans pour autant approuver entièrement aussi son déroulement, il nourrit l'espoir que les historiens djiboutiens se lancent à cette occasion dans un véritable travail de recherches pour publier, même à long terme, l'histoire de son jeune pays. "La vraie, celle de son indépendance, de ses héros, de ses martyres, sans aucun révisionnisme ni regard partisan ou politique. C'est une vérité que les générations à venir de ce pays doivent conna?tre. Et à quarante ans, je crois qu'on ne peut plus se permettre d'attendre encore que de bons Samaritain viennent faire le travail à notre place", prévient-il dans un regard assez désabusé.
Une chose est s?re : si la manière de célébrer cet évènement diffère dans la tête des Djiboutiens, il reste néanmoins bien présent dans tous les c?urs. Et à les entendre, peu importe leurs convictions politiques, ils forment tous le v?u que ces festivités soient et restent l'évènement le plus marquant de cette année, et même de la décennie.
Il faut dire qu'à Djibouti, quand il s'agit du pays, toutes les cordes commencent à s'accorder entre elles soudainement, même si elles prennent toutes racines de plusieurs sources divergentes.
Et pour l'ancien journaliste politique local, Omar Ahmed, c'est justement cette dimension très sacrée de la chose patriotique chez les Djiboutiens qui permet de croire profondément que la célébration de ce 40ème anniversaire de l'indépendance nationale va unir et rapprocher davantage tous les enfants de ce pays.