Dernière mise à jour à 08h44 le 27/03
Au début de la semaine, les législateurs américains se sont livrés à une man?uvre politique insidieuse visant à présenter TikTok, une entreprise de réseaux sociaux et de partage de vidéos, comme une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis.
L'interrogatoire par le Congrès du PDG de TikTok, Shou Zi Chew, a duré près de six heures, et a conduit le public à se demander si l'audience servait à autre chose qu'à exposer l'incompétence de certains membres du Congrès.
Malgré les questions insistantes du Congrès, TikTok a re?u un soutien indéfectible de la part d'une multitude d'utilisateurs américains, qui ont défendu l'innocence de la compagnie, exprimé leur soutien et raillé l'hystérie et l'ignorance des législateurs au cours de l'audience.
Le logo de TikTok sur l'écran d'un smartphone à Arlington, en Virginia, aux Etats-Unis, le 30 ao?t 2020. (Xinhua/Liu Jie)
HYSTERIE POLITIQUE
Pendant près de six heures, l'audition orchestrée par la commission de l'Energie et du Commerce de la Chambre des représentants s'est concentrée sur la confidentialité des données et la protection des enfants, tandis que M. Chew présentait aux membres de la commission bipartite les mesures prises par TikTok pour faire face aux risques les plus préoccupants à cet égard.
Tout au long de l'audience, les législateurs n'ont semblé ni écouter ni croire les explications de M. Chew, préférant marteler aveuglément le message selon lequel TikTok constituait une menace pour la confidentialité des données des 150 millions d'utilisateurs américains et pour la sécurité nationale des Etats-Unis.
Faute de preuves, la seule excuse invoquée par les législateurs pour désigner TikTok comme l'application à bannir est que sa société-mère, ByteDance, est basée en Chine. Bien que ByteDance soit une entreprise privée, les législateurs américains ont campé sur leurs positions, s'accrochant à l'argument intenable selon lequel les entreprises opérant en Chine étaient nécessairement soumises aux directives du gouvernement chinois.
Photo prise le 21 ao?t 2020 montrant le logo de TikTok devant le bureau de TikTok à Los Angeles, qui se trouve à Culver City, en Californie, aux Etats-Unis. (Xinhua)
Les membres du Congrès n'ont laissé M. Chew répondre que par "oui" ou "non" à leurs questions biaisées. Peut-être craignaient-ils que lui donner l'occasion d'entrer dans les détails ne sape le message qu'ils essayaient de transmettre au public et n'expose leur hypocrisie aux yeux du monde entier.
Le gouvernement américain a obligé TikTok à se séparer de ByteDance et à être racheté par une société américaine pour échapper à une interdiction nationale.
Interrogé à l'audience pour savoir si son entreprise se conformerait à cette exigence, M. Chew a déclaré aux législateurs que la propriété de l'entreprise n'était pas le problème. "Avec beaucoup de respect, les entreprises de réseaux sociaux américaines n'ont pas un très bon bilan en matière de confidentialité et de sécurité des données. Regardez Facebook et Cambridge Analytica", a-t-il déclaré, faisant référence aux révélations de 2018, selon lesquelles les données des utilisateurs de Facebook étaient depuis longtemps collectées en secret par un cabinet de conseil britannique.
SOUTIEN PUBLIC
Des utilisateurs de TikTok à travers les Etats-Unis n'ont par ailleurs pas été convaincus par les efforts de leurs élus du Congrès pour intimider leur application préférée.
Sous les vidéos publiées par M. Chew, dont le nom d'utilisateur sur TikTok est "@shou.time", d'innombrables utilisateurs ont exprimé leur soutien au PDG et à l'application. "Quel que soit le résultat (de l'audience), merci d'avoir créé une telle plateforme mondiale. L'interconnexion que vous nous avez donnée ne sera pas oubliée", a ainsi déclaré un commentaire.
Mardi, une trentaine d'utilisateurs de TikTok se sont rassemblés devant le Capitole des Etats-Unis pour exiger que le gouvernement continue à autoriser l'utilisation de TikTok par le public américain, arguant que leurs créations artistiques, leurs contenus éducatifs et leurs opinions dépendaient de la plateforme. Ils ont ensuite rencontré des législateurs et ont donné une conférence de presse avec Jamaal Bowman, représentant démocrate de New York au Congrès.
"Pourquoi cette hystérie, cette panique et ces attaques contre TikTok ? (...) Ne marginalisons et n'attaquons pas TikTok", a déclaré celui-ci, notant que les risques sécuritaires dont TikTok était accusé étaient partagés par de célèbres plateformes américaines comme Facebook, Instagram, Youtube et Twitter.
M. Bowman a déclaré qu'au lieu d'une "conversation malhonnête" demandant l'interdiction de TikTok, les législateurs devraient plut?t avoir une "conversation globale" sur les efforts législatifs plus larges requis pour protéger les données en ligne et assurer la s?reté et la sécurité des utilisateurs de réseaux sociaux.
Photo prise le 19 janvier 2023 montrant le Capitole des Etats-Unis à Washington, D.C.. (Xinhua/Ting Shen)
Des experts ont fait valoir que si l'administration Biden décidait d'interdire TikTok dans tout le pays, un tel décret serait presque certainement contesté par ceux qui s'y opposeraient, dans la mesure où il enfreindrait la liberté d'expression garantie par le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis.
De fait, il y a eu un récent précédent : l'interdiction de TikTok émise par l'ancien président Donald Trump en 2020 a fait l'objet de plusieurs contestations en justice, et a finalement été rejetée par un juge fédéral américain. Celui-ci a statué que la loi relative aux pouvoirs économiques en cas de situation d'urgence internationale (International Emergency Economic Powers Act) sur lequel s'appuyait l'interdiction était inapplicable dans ce cas, car l'interdiction revenait à restreindre la libre circulation de l'information.