Jean-Luc Déchery avait dix ans d'expériences au Ministère des Finances, dont conseiller du Ministre en 1987 et 1988, et négociateur fran?ais sur de nouvelles règlementations européennes à Bruxelles. Il a passé deux ans comme collaborateur de Fran?ois Pinault, fondateur du groupe de luxe Kering.
Entrepreneur depuis 1992, il est aussi fondateur de Tiphys, un groupe de 1000 salariés, dont Camille Fournet fait partie, une marque de maroquinerie de luxe qui a une boutique à Beijing. Le Quotidien du Peuple en ligne l'a interviewé pour conna?tre ses impressions sur les Deux Sessions.
Quotidien du Peuple en ligne : Avez-vous entendu les deux sessions de l'APN et de la CCPPC en Chine ? Vous pourriez percevoir quelques modifications dans les deux sessions de cette année par rapport aux années passées ?
Jean-Luc Déchery : Ces deux sessions sont peu suivis par les media fran?ais mais les thèmes du ralentissement économique avec changement de modèle, de la protection de l'environnement et de la lutte anti-corruption sont repris régulièrement et se détachent particulièrement dans l'actualité.
En tant que chef d'entreprise, il est difficile pour un non-chinois de comprendre la coexistence entre l'extraordinaire développement économique des 20 dernières années et la subsistance de procédures administratives trop compliquées pour la vie des affaires. Pour donner un exemple, mais peut-être suis-je mal conseillé, il faut compter quatre mois pour faire une augmentation de capital de la filiale chinoise d'une entreprise fran?aise.
Aussi, l'annonce par le gouvernement d'orientations à moyen terme pour tout ce qui est régulation économique est bienvenue pour éclairer des décisions.
Quotidien du Peuple en ligne : La ? Nouvelle normalité ? est un terme évoqué à nombre de fois en Chine et à l'étranger, comment voyez-vous ce terme en matière de l'économie chinoise ? Le ralentissement de la croissance, ainsi que la modification approfondie de la structure économique de la Chine, vont générer quel impact sur le plan global selon vous ?
Jean-Luc Déchery : On a effectivement le sentiment du passage à une période nouvelle : moins de croissance sans doute et des nouveaux défis.
La France n'a pas de le?ons à donner car elle hésite depuis longtemps à se réformer, preuve que la pression des événements est moins fortement ressentie en France. Le rythme, ici, est plus lent qu'en Chine.
Le nouveau contexte économique chinois aura indéniablement des répercussions sur le reste du Monde mais différenciées selon les autres économies.
Quotidien du Peuple en ligne : Le président Xi Jinping a évoqué les ? quatre globaux ? pour démontrer la détermination de la direction pour les objectifs principaux de la Chine. On témoigne aussi de la chute récente de dizaine de haut-fonctionnaires (niveau ministériel). Selon vous, quelles sont des expériences et des le?ons que la Chine pourrait emprunter de l'Occident dans ce vaste domaine ?
Jean-Luc Déchery : Je voudrais citer un exemple historique de l'évolution de l'Etat de droit en France, pays culturellement le plus centralisé d'Europe.
Il existe deux sortes de tribunaux en France, une justice judiciaire pour tout ce qui ne concerne pas l'Etat et une justice administrative qui se prononce sur les actes administratifs et les relations entre l'Etat et les citoyens.
Au début du 19ème siècle, la justice administrative était surtout le conseil de l'Etat, mais, en 200 ans, elle a progressivement forgé une jurisprudence qui en fait souvent le protecteur des citoyens vis-à-vis de l'Etat.
La perception européenne est que la Chine doit forger de nouveaux concepts juridiques et choisir un ou deux domaines précis pour témoigner symboliquement des futures orientations.