Un employé attache des liens sur un cerf-volant, avec des portraits du Premier ministre indien Narendra Modi (à gauche) et du président américain Barack Obama, avant la visite de celui-ci, à Mumbai le 23 janvier 2015. |
L'Inde va peut-être se confronter une fois de plus à la Chine. C'est en substance la ligne adoptée par les commentaires de nombreux médias. C'est ce contexte qui rend la visite du président Barack Obama comme invité d'honneur lors de la parade de la Journée de la République de l'Inde le 26 janvier intéressante. Sa visite fait suite à celle du Premier ministre japonais Shinzo Abe, qui s'est rendu en Inde l'année dernière dans des conditions identiques et dont la deuxième visite devrait avoir lieu dans un proche avenir.
La politique étrangère hyperactive du Premier ministre indien Narendra Modi a déclenché des spéculations de toutes sortes. M. Modi s'est réconcilié avec les états-Unis, qui furent leur détracteur pendant des dizaines d'années – ce qui s'est reflété dans les visites successives des secrétaires américains au commerce, à la défense et d'état et de plus d'une douzaine d'autres hauts responsables, faisant de l'Inde le plus grand acheteur d'armes américaines et des états-Unis le plus grand partenaire commercial de l'Inde. Les alliés des états-Unis ont pris cela comme un signal pour courtiser la nouvelle direction de l'Inde.
Ou est-ce que les alliés des états-Unis mènent l'Inde en bateau à New Delhi ? Le fait que le Japon et l'Inde ont tous les deux des différends territoriaux avec la Chine est souvent considéré comme la raison de la cordialité entre les deuxième et troisième plus grandes économies de l'Asie. En effet, le Japon fut le seul pays développé à ne pas reculer quand M. Modi, en tant que ministre en chef de la province du Gujarat, fut accusé de violer les droits de l'homme.
L'Inde d'aujourd'hui semble amicale avec toutes les grandes puissances, suscitant des questions sur la fa?on dont elle va équilibrer ses engagements avec les états-Unis et ses alliés d'une part et la Chine et la Russie d'autre part. Il y a trois ans, la Chine était le plus grand partenaire commercial de l'Inde, et la Russie était considérée comme son plus grand fournisseur de technologies de défense.
Même aujourd'hui, la Chine reste un important partenaire commercial ; en fait, elle a récemment promis d'investir 20 milliards de Dollars US pour relancer le secteur manufacturier de l'Inde, en particulier le secteur de la production d'électricité. Cela, apprécié dans le contexte de la bonhomie hyperactive parmi les économies émergentes, comme les Etats membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), BASIC (Brésil, Afrique du Sud, l'Inde et la Chine) et RIC (Russie, Inde et Chine), a inquiété les puissances occidentales faisant face au ralentissement économique depuis 2007.
Outre la montée en puissance sans précédent de la Chine, l'affirmation croissante de celle-ci dans les questions régionales et mondiales est souvent citée comme un déclencheur possible de la politique de dérive de l'Inde en faveur des pays occidentaux. La mention répétée par M. Modi de ? l'expansionnisme ? et du terrorisme maritime, soulignant la nécessité d'assurer la liberté de navigation et des droits de survol accrus convient aux états-Unis, qui ont introduit le concept de ? pivot vers l'Asie ? et proposé le Partenariat Trans-Pacifique pour contrer la montée de la Chine.
Bien que l'ADN de l'Inde ne lui permettra jamais de devenir un proche allié des états-Unis et que sa direction ne sera jamais assez imprudente pour adopter une politique d'endiguement de la Chine, il ne fait aucun doute que la montée en puissance continue de la Chine est devenue un sujet de préoccupation pour New Delhi.
Une des principales raisons qui a permis à M. Modi de remporter les élections de l'année dernière a été sa promesse d'inverser la tendance marquée par les scandales et la paralysie politique, et de se concentrer sur le développement et la justice. Mais M. Modi doit aussi comprendre que, puisque l'économie chinoise a connu une croissance qui lui a permis de passer de 2,5 fois celle de l'Inde en 2000 à 5 fois aujourd'hui, il doit se concentrer sur la diplomatie économique et établir des partenariats avec tout un chacun à reproduire les politiques de la Chine.
Bien que cela risque de conduire à une mauvaise communication et des malentendus, M. Modi ne voit aucune contradiction dans la poursuite de relations amicales tant avec les Etats-Unis qu'avec la Chine. Calibrer divers intérêts concurrents et équilibrer diverses situations nationales concurrentes demandent des initiatives audacieuses en Inde et de la finesse diplomatique dans la politique étrangère. Et il est du devoir des partenaires de l'Inde, dont la Chine, de s'assurer que leur déficit de confiance mutuelle ne soit pas susceptible de faire dérailler leurs partenariats en expansion.
L'auteur est professeur à l'école des hautes études internationales de l'Université Jawaharlal Nehru.