Dernière mise à jour à 16h20 le 13/08
La revendication par le groupe djihadiste Al-Mourabitoune de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar de la prise d'otages, qui a fait 13 morts le 8 ao?t dernier à Sévaré (région de Mopti, plus de 600 km au nord de Bamako), pose le problème de l'encadrement des écoles coraniques pour qu'elles ne deviennent pas un vivier djihadiste.
Pour les observateurs, cette revendication confirme une liaison entre les réseaux terroristes et des sectes maliennes comme Dawa et les Forces de libération du Macina d'Amadou Kouffa, qui recrutent dans les écoles coraniques et les médersas.
"Ne pouvant pas agir directement, Belmokhtar a besoin de petits réseaux d'intermédiaires. Ceux-ci ayant été anéantis pas l'Opération fran?aise Serval, il a maintenant recours à des gens comme Amadou Kouffa", analyse un agent des services secrets maliens sous le couvert de l'anonymat.
"Il est difficile de combattre le terrorisme islamiste au Mali parce que la crise que le pays traverse depuis 2012 a fragilisé le pouvoir politique et renforcé les organisations musulmanes qui sont nombreuses à ?uvrer à la limite de la légalité", analyse un diplomate.
Mais avant la crise, on avait assisté, dans l'indifférence du pouvoir public, à la multiplication des sectes comme la Dawa qui a perpétré l'attentat de Misséni (sud).
Il n'est donc pas surprenant, comme le craignent de nombreux observateurs, que "les médersas et les écoles coraniques" soient devenus des "centres de formation" d'islamistes comme Amadou (ou Hamadoun) Kouffa, le leader des Forces de libération du Macina.
Ce prédicateur veut restaurer le Califat de Macina, un empire peul du 19ème siècle. Il est réputé très proche d'Iyad Ag Ghali du groupe djihadiste An?ar Dine. Il a contribué à l'implantation de la secte Dawa, d'obédience pakistanaise, sur le territoire malien, il y a une dizaine d'années.
"Très engagé dans la guerre sainte, avec la volonté d'étendre la charia à tout le Mali, Amadou Kouffa a fait plusieurs voyages 'notamment au Pakistan et en Mauritanie où il a multiplié les contacts qui lui permettent d'alimenter son réseau aujourd'hui", selon le sociologue malien Mamoud Diallo qui a beaucoup travaillé sur ces différents groupes dans le nord du Mali.
Aujourd'hui, selon de nombreux témoignages, la Dawa recrute surtout dans les écoles coraniques et les medersas qui sont nombreux dans la région de Mopti (centre).
Pour Djibril K. Touré, sociologue à l'université de Bamako, "les écoles coraniques et autres medersas sont des terreaux fertiles pour la formation des djihadistes maliens d'hier, d'aujourd'hui et de demain".
"Si rien n'est fait pour résoudre cette question, le pays fera face dans quelques années à une armée de candidats potentiels pour la présumée jihad...", craint le directeur d'une radio de proximité de Mopti qui a requis l'anonymat.
Sans aucune formation professionnelle et des connaissances religieuses sommaires, les talibés (élèves) sont des proies faciles pour les réseaux terroristes, car faciles à endoctriner
Ils sont en tout cas nombreux les observateurs qui pensent qu'il est temps que les pouvoirs publics prennent cette "situation au sérieux" car "le pays est au bord de l'apocalypse islamiste".
Depuis bient?t deux ans, on assiste à une timide tentative de reprise en main et de s'inspirer du Maroc pour encadrer la pratique islamique.
Cette volonté s'est traduite par la création d'un ministère des Affaires religieuses et du Culte. Et en septembre 2013, une convention a été signée avec le Maroc pour la formation de 500 imams maliens sur cinq ans.
Selon le gouvernement, il s'agit de former des "imams authentiques" qui vont favoriser le retour à cet "islam du juste milieu". Contrairement à celui véhiculé ces dernières années par des leaders formés dans les pays arabes Wahhabites.
Signe de l'importance qu'il accorde à ce partenariat, le président Ibrahim Boubacar Kéita s'est rendu en février 2014 au Maroc pour rencontrer et motiver ses imams en formation.
Mais, pour différentes interrogées par Xinhua, cette formation n'exclut pas la réforme de l'enseignement islamique au Mali qu'ils jugent "indispensable".
Paradoxalement, les écoles coraniques se trouvent sous la tutelle du ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, qui ne dispose d'aucune information statistique sur ces structures qu'elle est supposée superviser.
En raison de cette lacune, les écoles coraniques semblent s'écarter de leur objectif initial au point de susciter une inquiétude légitime et un réel malaise social, car inadaptées aux réalités de la société malienne.