Le Mali a tenu dimanche dernier le premier tour de l'élection présidentielle dans la quiétude et la paix sur toute l'étendue du territoire national sans incidents majeurs. Alors qu'on qualifie le scrutin d'historique, il divise les acteurs de la scène politique malienne.
Dimanche dernier, les Maliens de l'intérieur et de l'extérieur étaient aux urnes pour le premier tour de l'élection présidentielle, afin de désigner le troisième président de la troisième République du Mali.
Cette élection devrait donner l'occasion au pays de sortir d'une crise qui l'a mis à rudes épreuves durant plus d'une année et demie. Une crise qui a failli remettre en cause l'existence même de la nation compte notamment de l'occupation de plus des deux tiers du territoire national par les groupes armés islamistes et terroristes.
Saluant la tenue de ce scrutin, le président de la République par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, après avoir voté, a déclaré à la presse que "vue la grande mobilisation des Maliens, qui sont sortis massivement, le pays n'a jamais connu une telle élection depuis 1960, date de l'indépendance du Mali".
La même mobilisation a été saluée par l'ensemble des observateurs et superviseurs nationaux et internationaux. Il s'agit notamment du Réseau d'ONG Appui au processus électoral au Mali (APEM), un regroupement de 52 associations et ONG créé en 1996, présidé par Ibrahima Sangho, de la Mission d'observation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), dirigée par l'ancien président ghanéen, John Agyekum Kufuor. En outre, on note la Mission d'observation de l'Union africaine (UA), qui a à sa tête l'ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo, et celle de l'Organisation internationale de la Francophonie, pour ne citer que celles-ci.
Par ailleurs, au-delà de la mobilisation des électeurs et de la bonne tenue du scrutin qui ont fait l'unanimité, les débats de la scène politique malienne sont dominés par l'éventualité ou non du deuxième du scrutin présidentiel.
Après la fermeture des bureaux de vote, plusieurs militants et sympathisants du candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM), Ibrahim Boubacar Kéita dit IBK, ont pris d'assaut certaines grandes artères de Bamako, la capitale malienne, pour "savourer la victoire éclatante de notre porte-étendard".
"Avec les résultats venant des bureaux de vote à Bamako et à l'intérieur du pays ainsi qu'à l'extérieur du Mali, notre candidat vient en tête et de loin en devan?ant les autres candidats", a laissé entendre Djibril Diallo, un jeune du RPM.
Celui-ci a ajouté : "Quand IBK a un nombre à trois chiffres, c'est-à-dire au moins 100 voix, les autres candidats sont à un nombre à deux chiffres, le plus souvent, inférieur à 40 voix. Le constat a été fait dans plusieurs bureaux de vote. Bref, c'est le 'takokelen' pour IBK (victoire au premier et unique tour). IBK est l'homme qu'il faut pour le Mali".
Partout, c'est presque les mêmes propos tenus par les partisans d'IBK dans les "grins" ou lieux de causerie, sur les réseaux sociaux, entre autres.
Cependant, les militants et sympathisants des candidats, membres du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la république (FDR), un regroupement de partis politiques et d'organisations de la société civile, créé au lendemain du coup d'Etat militaire du 22 mars 2012 pour faire front à la junte militaire, estiment qu'aucun résultat officiel n'a été rendu public.
"Les 'résultats' donnant IBK gagnant sont des résultats non validés par les instances habilitées. L'attitude de ses partisans n'a d'autres buts que de semer le doute dans l'esprit de nos concitoyens", affirment les partisans du FDR au sein duquel il y a quatre candidats à l'élection présidentielle du 28 juillet. Il s'agit de Souma?la Cissé de l'URD, Modibo Sidibé du FARE, Jeamille Bittar de l'UMAM et Dramane Dembélé de l'ADEMA, qui réclament tous un deuxième tour du scrutin.
Les candidats du FDR à l'image de Souma?la Cissé de l'Union pour la république et la démocratie (URD), estiment : "Techniquement, la publication des résultats en deux heures après la fermeture des bureaux de vote, cela n'est pas possible au Mali. Cela relève de la manipulation. ?a n'a jamais été le cas au Mali lors d'une élection".
"C'est ce que nous dénon?ons et c'est ce qu'il faut continuer à dénoncer". Selon M. Cissé, "un deuxième tour est indispensable et inévitable au Mali. Nous connaissons les forces politiques dans ce pays depuis 1992".
C'est dans ce climat de contradiction de part et d'autre que les Maliens, notamment ceux des deux camps, attendent les résultats provisoires du scrutin présidentiel du 28 juillet dernier.
De leur c?té, les autorités de la transition jouent à l'arbitre en "invitant les Maliens au calme, à la retenue" et "à être patients". Le directeur de l'Administration territoriale, Bassidi Coulibaly, a déclaré lundi soir que "les travaux de centralisation des résultats sont en cours" et qu'"il faut attendre d'ici à vendredi les résultats provisoires, qui seront proclamés par le ministère de l'Administration territoriale".
De l'avis de plusieurs observateurs de la scène politique malienne, "il appartient aux politiciens, aux hommes politiques de faire tout pour que le Mali ne sombre pas dans une crise postélectorale. Le Mali n'en a pas besoin après tant de souffrances subies par les populations notamment celles du nord du pays".
Le même voeu a été exprimé à la veille du scrutin par les leaders des organisations féminines et religieuses du Mali.
Il s'agit notamment du Groupe Pivot Droits et Citoyenneté des femmes du Mali, présidée par Mme Traoré Nana Sissako, et de l'Union nationale des femmes musulmanes du Mali (UNAFEM), dirigée par Hadia Kadia Togola.