Les observateurs de la scène politique ivoirienne assistent à un retour progressif de militaires et civils proches de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo qui avaient pris le chemin de l'exil au plus fort de la crise post-électorale.
Craignant des représailles après la chute de leur leader, ces personnes avaient trouvé refuge dans les pays limitrophes mais aussi hors de la sous-région pour certains et hors du continent pour d'autres.
Au regard de la normalisation qui s'installe de manière progressive dans le pays, les autorités ivoiriennes ont multiplié à plusieurs occasions des appels à l'endroit des ivoiriens réfugiés à l'extérieur, afin qu'ils rentrent au pays.
A la faveur d'une rencontre avec le Front populaire ivoirien (FPI, parti de Gbagbo) à la mi-décembre, le ministre ivoirien de l'Intérieur et de la Sécurité, Hamed Bakayoko avait exprimé l'engagement du gouvernement à garantir "un retour sécurisé" des partisans de l'ex-président Laurent Gbagbo exilés dans plusieurs pays ouest-africains suite à la crise post-électorale de 2010-2011.
"Il appartient au FPI de coordonner ce retour et le gouvernement prendra les dispositions adéquates pour que ce retour se fasse dans la paix", avait déclaré M. Bakayoko, à l'issue de la rencontre.
"A leur retour, ils ne seront pas inquiété comme bon nombre d'entre eux, aucun exilé ne sera arrêté à l'aéroport", avait-t-il assuré, précisant toutefois que les mandats d'arrêts sont une " affaire de justice".
Le président ivoirien Alassane Ouattara est lui-même monté au créneau lors de son message de nouvel an à la nation pour réitérer son appel aux civils et militaires ivoiriens exilés dans les pays limitrophes depuis la crise post-électorale de 2010 et 2011 à rentrer au pays "sans crainte" pour prendre part à l'oeuvre de reconstruction du pays.
"La C?te d'Ivoire a besoin de la contribution de tous ses fils et filles", a souligné le chef de l'état qui a exhorté tous ses compatriotes à s'investir pleinement pour le retour d'une paix définitive dans le pays.
PLUS DE 200 000 RéFUGIéS DE RETOUR
Le gouvernement ivoirien et ses partenaires dont le Haut- Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) multiplient les efforts pour amener les réfugiés ivoiriens à regagner le pays.
Selon le coordonnateur du Service d'aide et d'assistance aux réfugiés et apatrides (SAARA) Timothée Ezouan, il s'agit de motiver les réfugiés ivoiriens au rapatriement volontaire de manière subséquente pour dynamiser le processus de retour.
A en croire celui-ci, la normalisation de la situation en C?te d'Ivoire a achevé de convaincre des réfugiés en terres libérienne ghanéenne et dans d'autres zones sur la nécessité d'un retour sans inquiétude.
"Tous les indicateurs sont au vert. Le pays est au travail. Il faut qu'ils viennent prendre leur place dans le processus de reconstruction du pays", a insisté le coordonnateur du SAARA.
De source humanitaire, plus de 200 000 réfugiés ivoiriens disséminés dans plusieurs pays ont regagné la C?te d'Ivoire à ce jour.
"Nous avons aidé 225 000 personnes à regagner leurs foyers sur les 300 000 qui avaient trouvé refuge dans des pays limitrophes au plus fort de crise post-électorale", s'est réjouie Mme Encontre lors d'un entretien avec des médias.
De l'avis de celle-ci, la situation humanitaire dans le pays conna?t des progrès notable, bien qu'il reste toujours des choses à améliorer.
DES SOLDATS DéSERTEURS REGAGNENT LES CASERNES
"Dans le cadre de la réconciliation nationale, je réitère mon appel à tous les militaires exilés afin qu'ils rentrent au pays et rejoignent les rangs. C'est ici leur place, au sein de l'armée", avait déclaré le chef de l'Etat ivoirien lors d'un échange de voeux avec la haute hiérarchie militaire ivoirienne.
Ces appels ont déjà porté de premiers fruits, plusieurs civils et militaires ayant déjà regagné le pays.
"A ce jour, 155 exilés militaires, 4 officiers et 151 sous- officiers et militaires du rang, ont mis fin à leur exil, sur 300 absences non justifiées", a révélé le ministre en charge de la défense, Paul Koffi Koffi.
Les exilés militaires et paramilitaires pro-Gbagbo qui avaient déserté leurs casernes et qui avaient initialement jusqu'au 30 novembre pour rejoindre leurs unités au pays sous peine de radiation, ont finalement obtenu une mesure de tolérance du gouvernement qui a même assuré que les soldats qui ont accepté de rentrer seront exemptés de poursuites judiciaires.
Le colonel Boniface Konan qui dirigeait le théatre des opérations des forces pro-Gbagbo lors des affrontements et qui avait trouvé exilé au Ghana fut l'un des premiers à regagner le pays.
Selon des observateurs, le mur de méfiance se brise petit à petit, et les soldats exilés hésitants vont suivre lorsqu'ils se rendront compte que leurs camarades retournés au pays n'ont pas été inquiétés.
LES BARONS DE L'EX RéGIME SE SIGNALENT
Des personnalités civiles pro-Gbagbo en exil semblent également retrouver confiance après les garanties du gouvernement.
Après plusieurs proches de l'ancien président dont l'ancien maire de Yopougon (ouest d'Abidjan) Félicien Gbamnan Djidan et l'ancien directeur général de la loterie nationale de C?te d'Ivoire Ernest Dalli Zabo, ce fut au tour jeudi de l'ancien directeur général du port autonome d'Abidjan Marcel Gossio de rentrer au pays.
"L'environnement sociopolitique en C?te d'Ivoire est aujourd'hui apaisé ", a déclaré M. Gossio à son arrivée.
Ce baron de l'ancien régime a salué la volonté des autorités actuelles du pays d'aller à la réconciliation nationale et à la cohésion.
"Je suis venu répondre à l'appel du président Ouattara qui a demandé à ses compatriotes de rentrer d'exil ", a-t-il conclu.
PACTE DE CONFIANCE
De l'avis des observateurs avisés, une sorte de pacte de confiance s'est établie entre le gouvernement et les pro-Gbagbo.
"Les pro-Gbagbo qui étaient craintifs rentrent parce qu'ils ont obtenu des garanties sur leur sécurité. Mais il y a une réciprocité parce qu'en retour, le gouvernement attend que ceux-ci restent tranquilles et qu'ils ne mènent pas des actions subversives", a estimé la président de la Coalition paix sécurité et développement (CPSD) Frédéric Sié.
"C'est un pacte gagnant-gagnant car chaque partie veut s'assurer d'avoir la quiétude", a énoncé M. Sié, soulignant que " s'il y a confiance mutuelle et accalmie, c'est la C?te d'Ivoire tout entière qui gagne".