Un financement de 50 millions USD, soit environ 25 milliards de francs CFA, est accordé par la Banque mondiale au Cameroun pour la mise en oeuvre d'un programme national de filets sociaux sur cinq ans, destiné dès 2014 après un projet pilote en voie de lancement, à 70.000 ménages dans cinq des dix régions du pays.
Ce programme présenté mercredi à Yaoundé est une réponse du gouvernement camerounais à une recommandation de la Banque mondiale pour la mise en place d'un système cohérent et efficace de filets sociaux, visant à améliorer de manière plus substantielle les conditions de vie des populations en vue de la réduction du taux de pauvreté qui demeure élevé dans ce pays d'Afrique centrale.
De l'avis du ministre de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi, ? la mise en place d'un système cohérent et efficace de filets sociaux participe d'un combat contre les inégalités diverses, de la lutte contre la vulnérabilité, de l'expression de la solidarité nationale en faveur de ceux ou de celles qui, pour causes naturelles, historiques, pourraient se sentir en marge du progrès social ?.
? En effet, a-t-il poursuivi, les filets sociaux visent à aménager les conditions de vie acceptables des populations qui vivent en état de pauvreté chronique et des groupes vulnérables, à travers des programmes de transferts non contributifs, ciblés, notamment les transferts monétaires ou les travaux publics ou encore les appuis aux enfants ?.
Dans son Document de stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE) adopté en 2009, le gouvernement se propose de réduire de 40% en 2007 à moins de 28% le taux de pauvreté monétaire au cours de la période d'exécution 2010-2020 et de réaliser l'ensemble des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Avant le programme national en vue, il a réalisé en 2011, avec l'appui de la Banque mondiale, une étude sur les filets sociaux qui a conclu à un manque de visibilité en matière de protection sociale d?, d'une part, à l'absence d'? un système coordonné de programmes de filets sociaux bien ancré à une politique nationale de protection sociale ? et au fait que les programmes existants ? ne sont pas adaptés pour s'attaquer efficacement au problème de la pauvreté ?.
D'autre part, cette étude évoquée par le ministre de l' Economie, en présence du représentant-résident de la Banque mondiale, Gregor Binkert, et de Ritva Reinikka, directrice du développement humain pour la région Afrique au sein de cette institution à Washington, a démontré que ? l'enveloppe budgétaire allouée aux activités à la protection sociale est très faible et largement dominée par les dépenses en matière de santé et d'éducation ?.
D'après le récent numéro des Cahiers économiques du Cameroun de janvier 2013 de la Banque mondiale, dans le secteur de la santé par exemple, alors que le niveau des dépenses publiques s'établit à 61 USD par habitant et par an, le profil épidémiologique du pays correspond davantage à celui de pays à très faible niveau de dépenses par habitant (de l'ordre de 10 à 15 USD par habitant et par an).
L'enquête de suivi des dépenses publiques de 2009, rappelle cette revue, a relevé que 35 à 40% des crédits budgétaires étaient déclarés comme n'atteignant jamais les services de santé locaux.
Par ailleurs, a en outre précisé Emmanuel Nganou Djoumessi, ? les subventions des prix des carburants sont très co?teux et représentent en 2011 environ 2,7% du PIB, mais ne ciblent pas les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables ? dans un pays où quatre personnes sur dix vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec un taux de pauvreté chronique touchant 26,1% de la population, c'est-à-dire celle qui ne peut subvenir à ses besoins essentiels.
De 6,2 millions en 2001, le nombre de pauvres au Cameroun est passé à 7,1 millions en 2007. Sur les dix régions du pays, l'Adamaoua, le Nord, l'Extrême-Nord, l'Est et le Nord-Ouest sont les plus touchées par la pauvreté et une dizaine sur les 58 départements abrite 60% de personnes en état de pauvreté chronique, d'après les statistiques officielles.
L'étude sur les filets sociaux a surtout montré que le Cameroun alloue 0,2% de son PIB aux filets de protection sociale, un des pourcentages les plus bas d'Afrique, selon la Banque mondiale qui observe que ? le pays à faible revenu et le pays à revenu intermédiaire y consacrent respectivement des ratios sept à dix fois plus élevés ?.
Avec un accent sur les transferts directs en espèces et les programmes relatifs aux travaux publics, la mise en place des programmes intitulés ? Projet Filets Sociaux ? se fera, selon les explications du ministre de l'Economie, en deux étapes : l'expérimentation d'un projet pilote de transferts monétaires financé par l'Etat, avant le passage à l'échelle avec la réalisation du programme national de filets sociaux.
Le projet pilote, a-t-on appris, permettra à 2.000 ménages de l'Extrême-Nord (1.500) et du Nord-Ouest (500) de bénéficier chacun, dès avril 2013, d'un transfert monétaire de 15.000 francs CFA (30 USD) en moyenne par mois, pendant 24 mois.
D'un financement de 50 millions USD de la Banque mondiale, le programme national de filets sociaux qui suivra dès 2014 prévoit, pour sa part, des transferts monétaires de même montant et de même durée à 40.000 ménages et des petits emplois temporaires au profit de 30.000 autres ménages dans le cadre d'un programme pilote de travaux publics à haute intensité de main d'oeuvre.
En résumé, c'est un total de 70.000 ménages concernés par le programme, dont 65.000 choisis dans les cinq régions les plus pauvres et 5.000 dans les villes de Yaoundé et Douala.
Sous le titre ? gérer les risques, promouvoir la croissance ?, la stratégie de protection sociale de la Banque mondiale en Afrique, 2012-2020, propose la mise en place de systèmes de filets sociaux pour une meilleure réduction de la pauvreté sur le continent.