Signe d'un alourdissement du climat sociopolitique, la fermeture des écoles lundi à Bangui, la capitale de la République centrafricaine (RCA) caractérisée ces derniers jours par un calme précaire avec un couvre-feu nocturne, conforte les craintes d'une reprise des hostilités entre le pouvoir du président Fran?ois Bozizé et les rebelles de la coalition Séléka.
Alors que les deux camps sont censés se retrouver à Libreville au Gabon pour des négociations de paix sous l'égide de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC, organisation régionale à laquelle la RCA appartient), le pouvoir de Bangui et ses adversaires multiplient des déclarations indiquant qu'ils sont effectivement chacun sur le pied de guerre.
Après l'annonce samedi de la prise du contr?le de deux nouvelles villes, Kouango et Alindao (Sud-Est du pays), le gouvernement centrafricain a accusé une nouvelle fois dimanche la rébellion d'être entrée dans Damara, une autre ville du Sud au-dessus de Bangui.
De son c?té, Séléka, qui déjà accusait à son tour le président Bozizé de se réarmer dans une logique de reprise des hostilités, rejette formellement ces accusations et soutient plut?t que les autorités de Bangui cherchent à "tromper la vigilance de la communauté internationale pour monter à l'assaut de notre position".
Sous la direction de Michel Am Nondokro Djotodia, ex-fonctionnaire du ministère centrafricain des Affaires étrangères et ex-consul à Nyala au Soudan, la coalition rebelle apparue le 10 décembre s'est, dans une progression presque sans résistance en direction de la capitale, emparée de plusieurs villes dont Bambari (Est) et Sibut, distante d'environ 160 à 170 km de Bangui.
Pour stopper net cette avancée et, officiellement, surtout de préserver la RCA du chaos dans la perspective redoutée d'un éventuel conflit sanglant pour le contr?le du siège des institutions du pays, la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC, qui regroupe en outre l'Angola, le Burundi, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République démocratique du Congo, Sao Tomé & Principe et le Tchad) a d? imposer une ligne rouge, à Damara.
Dans cette ville du Sud centrafricain, au-dessus de Bangui, l'organisation régionale, qui mobilisait déjà une Mission de consolidation de la paix en RCA (MICOPAX), a décidé de déployer une force d'interposition de 760 soldats supplémentaires de sa Force multinationale de l'Afrique centrale (FOMAC).
"Nous, on respecte la ligne rouge. On ne peut pas outrepasser ce que la CEEAC a décidé", clamait encore lundi matin le colonel Michel Narkoyo, porte-parole militaire de Séléka joint par Xinhua.
Dimanche, cet ancien responsable des Forces armées centrafricaines (FACA, que le président Bozizé a taxé d'indiscipline dans un discours le 31 décembre) s'est défendu de la chute de la ville d'Alindao, faisant état d'une simple patrouille des rebelles dans cette localité en réaction à des man?uvres visant leurs positions, de l'armée ougandaise, présente en RCA pour traquer la rébellion de Joseph Kony.
"Ils se sont entendus avec le président Bozizé pour nous attaquer. On a averti l'Union africaine au sujet de cette situation. L'Union africaine est au courant par le canal du président Denis Sassou Nguesso du Congo", laissait entendre dimanche le colonel Narkoyo.
Samedi, Eric Massi, porte-parole et coordonnateur international de la rébellion joint à Paris en France où il est installé, avait accusé le pouvoir centrafricain de se réarmer avec des armes et autres équipements militaires acquis en Afrique du Sud, pays ayant reconnu d'avoir envoyé 400 soldats en renfort aux FACA, une information jamais annoncée par Bangui.
C'est le deuxième soutien armé explicite d'un pays étranger au pouvoir centrafricain, après celui apporté depuis le début du conflit avec Séléka par l'armée tchadienne.
Interrogé sur cette présence sud-africaine, le ministre centrafricain de la Communication, Alfred Poloko, se contentait de faire allusion aux soldats fran?ais (600 au total, de sources officielles) "parmi des pays étrangers avec lesquels la RCA a des accords militaires".
Par la suite pourtant, les autorités de Pretoria ont très clairement mis Séléka en garde contre la poursuite de sa progression vers Bangui, la mena?ant de représailles. "Cette présence ne nous dit rien. Nous pouvons combattre les soldats sud-africains", prévenait lundi le colonel Narkoyo.
A l'instar de Bangui, cette déclaration témoigne d'un état d'alerte pour une éventuelle reprise des hostilités entre les protagonistes de la nouvelle crise centrafricaine, au moment que doivent s'ouvrir dans la capitale gabonaise, en principe dès cette semaine, des discussions en vue d'un retour à la paix dans le pays.
Au sein de la population centrafricaine prise en étau par ce conflit, le scepticisme est de mise quant à une solution rapide à la crise. "Les déclarations du gouvernement et des rebelles ne sont pas de nature à faciliter l'ouverture d'un dialogue. Ce dialogue va aboutir à quoi ? Il y a tellement eu de dialogues dans ce pays", commentait la semaine dernière déjà Fulgence Zeneth, de l'Observatoire centrafricain des droits de l'homme (OCDH).
Les rebelles conditionnent l'arrêt de leurs combats par le départ de Fran?ois Bozizé, lui-même arrivé au pouvoir par les armes en 2003, seul point selon eux à discuter aux pourparlers de Libreville.
Par Rapha?l MVOGO