Dans un climat de calme précaire lié à une trêve dans les combats recommandée par la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC, à laquelle la Centrafrique appartient) et l'Union africaine (UA), le pouvoir centrafricain et la coalition rebelle Séléka se déclarent suspendus au calendrier des négociations envisagées pour dénouer la crise.
En visite lundi à Bangui, la capitale du pays, le chef de l'Etat béninois, Thomas Boni Yayi, président en exercice de l'UA, a exhorté les deux parties en conflit à cesser leurs hostilités et à accepter de dialoguer pour trouver une issue à la crise déclenchée lors de l'apparition le 10 décembre de la coalition rebelle Séléka qui exige le départ du pouvoir du président Fran?ois Bozizé.
Au cours de cette visite, le dirigeant centrafricain a annoncé son intention de former un gouvernement d'union nationale après les pourparlers de paix envisagées à Libreville au Gabon sous l'égide de la CEEAC, organisation régionale composée de l'Angola, du Burundi, du Cameroun, du Congo, du Gabon, la Guinée équatoriale, de la République centrafricaine (RCA), de la République démocratique du Congo (RDC), de Sao Tomé-et-Principe et du Tchad.
Pour l'heure, aucun calendrier n'a été communiqué sur la tenue de ces négociations que les protagonistes affirment accepter. ? Nous attendons tous, nous sommes prêts pour aller à Libreville ?, a réaffirmé dans un entretien téléphonique avec Xinhua mardi le ministre centrafricain de l'Administration du territoire, Josué Binoua, après les déclarations de la veille sur cette position du pouvoir, au terme de la visite du président de l'UA.
Même son de cloche du c?té des rebelles qui remettent cependant en cause la sincérité du président Bozizé pour le respect de la trêve et des conclusions du dialogue politique en vue. ? Ce n'est pas la première fois qu'il se dit favorable à une trêve. ?a a toujours été comme ?a avec ce monsieur-là. C'est un sophiste, on n'attend rien de lui. Ses déclarations de dialogue ne sont pas nouvelles ?, a souligné le colonel Michel Narkoyo, un des responsables militaires de la rébellion.
Porte-parole de l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), un des mouvements qui composent la coalition rebelle annoncée aux portes de Bangui, cet ancien responsable des Forces armées centrafricaines (FACA), l'armée régulière, a réitéré la menace d'attaquer la capitale centrafricain en cas d'échec des pourparlers de paix avec le pouvoir central.
Les rebelles demandent au président Fran?ois Bozizé, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat le 15 mars 2003 contre Ange-Félix Patassé, décédé en 2011, de partir ? pour éviter le bain de sang à Bangui ?. Depuis toujours, celui-ci est sous la menace rebelle. Avant l'apparition de Séléka, le Nord et une partie de l'Est du pays échappaient déjà à son contr?le.
Ancien chef d'état-major des FACA, Bozizé est notamment accusé de n'avoir pas respecté les engagements pris lors du cessez-le-feu avec l'opposition armée en avril 2007. Dans un message à la nation à l'occasion des voeux de nouvel an à la nation lundi soir, il a salué le soutien de l'armée tchadienne qui a envoyé des renforts pour lui prêter main forte et condamné l'indiscipline dans les rangs de ses propres troupes.
Car, depuis la première attaque le 10 décembre, les rebelles, qui déclarent 4.600 combattants dans leurs rangs, progressent vers la capitale sans rencontrer une véritable résistance.
Sur le terrain, les armes se sont momentanément tues. ? Nous respectons les recommandations de la CEEAC. Pour le moment, il n'y a pas de combats ?, a laissé entendre mardi le colonel Narkoyo qui avait annoncé dimanche un bilan de plus de 100 morts en trois semaines d'affrontements, dont 93 dans les rangs des FACA et 12 c?té rebelle.
Au front à Bria, ville de l'Est de la RCA à quelque 600 km de Bangui, le responsable militaire rebelle avait annoncé la visite d'une mission des Nations Unies dans la localité lundi. ? Ils ne sont pas venus comme prévu. On les attend toujours ?, a-t-il dit.
Il a raillé les déclarations du président Bozizé remettant en cause la nationalité centrafricaine d'Eric Massi, porte- international de Séléka à Paris et fils de Charles Massi, ancien leader rebelle mort en détention originaire selon lui de la région de la Sangha Mbaélé.
A Bangui, où les populations sont prises de panique, le ministre de l'Administration du territoire devenu porte-parole du gouvernement en lieu et place de son collègue de la Communication, parle d'un retour progressif vers la paix.
? Les populations sont de plus en plus rassurées [allusion au couvre-feu instauré à Bangui, NDLR]. La paix commence à revenir, on espère que ?a va durer ?, affirme-t-il sans évoquer les arrestations arbitraires dénoncées par les organisations des droits de l'homme.
La Force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC), une force de dissuasion déployée par la CEEAC pour l'établissement d'un cessez-le-feu afin d'empêcher le chaos dans la capitale centrafricaine recevait ses derniers renforts congolais et camerounais mardi, selon des sources concordantes.